[…] tu ne convoiteras pas la femme de ton prochain, […] ni son boeuf, ni son âne : rien de ce qui lui appartient.

« tu ne convoiteras pas la femme de ton prochain, ni son boeuf, ni son âne. » (ref. photo par ricephotos sur flickr)
N’allez pas chercher plus loin l’origine pernicieuse de l’exigence tacite de fidélité qui pourrit de nombreux couples à petit feu : la femme appartient à l’homme, au même titre que son boeuf ou son âne. On aurait pu espérer qu’avec l’égalité hommes/femmes, on aurait laissé tomber cette notion archaïque de propriété. Et bien non : on s’est contenté de la généraliser aux deux sexes. Maintenant chacun des deux conjoints est sensé appartenir à l’autre – du moins c’est l’idée implicite que véhicule l’intégralité de notre environnement culturel occidental.
Certes, chacun a maintenant le droit d’avoir un métier, des ami(e)s à soi et même le droit de sortir sans son conjoint. Mais pas d’aller fréquenter un(e) amant(e). Pourtant, il ne devrait y avoir aucune différence : pourquoi peut-on sortir entre filles ou entre mecs, tandis que la même soirée d’absence, si elle est dans les bras d’un(e) autre, amène des drames et des divorces ? C’est bien parce qu’inconsciemment, l’autre se sent propriétaire du corps du conjoint (et aussi de ses sentiments, ce qui est encore plus absurde). Et la société caresse ad nauseam cet archaïsme dans le sens du poil.
Et pourtant, tout le monde est tenté, tôt ou tard, même dans les couples les plus épanouis. (Notons que je parle de couples épanouis, pas de couples passionnés : la passion est effectivement un remède très puissant contre l’envie d’aller voir ailleurs. Mais elle ne dure qu’un temps…) (Notons aussi que je ne parle pas des couples qui battent de l’aile, qu’aucun interdit ne peut sauver de toute façon) Et ainsi quand la tentation devient trop forte, l’interdit génère un cocktail totalement destructeur pour le couple : le mensonge et la culpabilité.
Le mensonge parce que l’infidélité semble tellement inacceptable qu’on n’ose même pas en parler. On s’enfonce dans le mensonge, jusqu’à qu’il explose à la figure de l’autre comme une infâme trahison alors qu’on cherchait juste à préserver l’autre sans faire de mal à personne. Et tout du long, on est hanté par la culpabilité de n’avoir pas su respecter l’interdit, la culpabilité du mensonge, et la conviction que si on est allé voir ailleurs, c’est forcément que quelque chose clochait dans le couple. Alors à force de chercher absolument quelque chose qui cloche, on finit par trouver…
Il y a tout à perdre dans la promesse d’exclusivité, et pas grand chose à gagner. D’abord, on y perd la liberté de chacun, par cette laisse tacite qu’on se passe mutuellement au cou. Ensuite, en se mettant la barre trop haut -la plupart des couples sont touchés un jour ou l’autre par l’infidélité- c’est la garantie de l’échec. Enfin, ça ne protège pas contre la tentation mais ça garantit le déchirement en cas d’incartade.
J’aime beaucoup vos tags. J’entends la musique de psychose.
Merci.
PS : on peut me tutoyer – d’une part c’est l’étiquette entre blogueur(e)s et en plus ça m’évite de penser à mes bientôt quarante ans 😉
Quelle belle synthèse. J’ai l’impression de lire de façon limpide des trucs qu’il m’a fallu plusieurs billets laborieux pour exprimer…
C’est que je mâchouille ce billet depuis bientôt un an… Mais merci du compliment.
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Bonjour Audren
Je me lance après la lecture de ton blog depuis quelque temps.
Tout d’abord, il m’a rassurée.
C’est idiot mais je me sens moins seule et « stigmatisée ».
Car pour moi, je suis « la méchante », celle qui trompe son « merveilleux » mari, celui qui est le « gendre idéal » et un « père formidable » aux yeux de tous (famille notamment).
Personne ne sait pour ma « double vie » dans ma famille. Ils ne comprennent déjà pas pourquoi nous traversons une « crise » alors que « j’ai tout pour être heureuse ». Sauf que je ne le suis pas, depuis longtemps.
Je me retrouve dans la description du couple dans lequel rien ne va plus faute de communication et de partage depuis si longtemps (15 ans en couple et 2 enfants). En dehors de nos enfants et du quotidien, nous ne « partageons » rien. Ajoutez à cela une insatisfaction sexuelle depuis plusieurs années ainsi que le sentiment d’être une « plante verte » propriété de mon mari mais à laquelle il ne portait aucune attention et vous pourrez « comprendre » que je n’étais pas « fermée » aux regards des autres ni aux éventuelles sollicitations, sans pour autant les chercher moi-même (en m’inscrivant sur un site de rencontre par exemple)
Bref, un jour, via FB mon principal ex a repris contact avec moi après 15 ans de silence. Et dès les 1ers échanges, l’étincelle est revenue… Nous habitons suffisamment loin l’un de l’autre pour que nous ne puissions nous voir en permanence ni au moindre « coup de tête ». Mais nous avons fini par nous revoir… Et ça a été « magique » dès le début. Moi qui me croyais frigide, j’ai retrouvé le plaisir. J’ai aussi retrouvé la complicité et la tendresse. Tout ce que je n’avais plus depuis si longtemps.
Après, le tableau n’est pas tout rose. Car mon amant est un « homme à femmes ». Avec une tendance ancienne à la liberté dans le couple.
Pour autant, ce qui m’a profondément blessée à 18 ans, ne me semble plus si incohérent à 35.
Nous avons donc entamé depuis plus d’1 ans une « relation libre » dans laquelle nous essayons de n’avoir que le « meilleur ».
Il me donne le courage de ne pas prendre de décision hâtive et inconsidérée avec mon mari. Car quoi qu’en penseront certains, je cherche à protéger mon mari et mes enfants avant tout. Après j’ai conscience que la situation ne peut pas durer éternellement ainsi. Je n’aime plus mon mari. Nous nous sommes bcp trop éloignés l’un de l’autre. Et nous n’arrivons plus à communiquer non plus. Je ne pense pas qu’il pourrait accepter la « situation » si il la connaissait. En province, les mentalités sont encore plus étriquées qu’à Paris!
J’avoue être perdue sur la suite à donner. Pour mon amant, je ne suis qu’une liaison. Mais il m’apporte énormément et je ne veux pas le perdre. Pour ma famille, je ne veux blesser personne mais j’étais malheureuse depuis si longtemps que la bouffée d’oxygène que mon amant m’apporte je ne peux plus m’en passer.
J’ai conscience de « mentir par omission » notamment dans la gestion de mon planning. Le temps n’est pas extensible. Ma famille et mes enfants sont passés avant moi depuis toujours, et en quelque sorte c’est tjs le cas aujourd’hui…
J’apprécierai d’avoir votre opinion masculine sur ma situation…
Je vous ai répondu en message privé.
Ici, je dirais que votre cas ne tombe pas sous ma définition de l’infidélité. L’infidélité dont je parle surtout dans ces pages, c’est l’infidélité de ceux qui sont bien dans leur couple et pour qui l’aventure est une escapade, pas une évasion.
Vous êtes dans le cas des couples insatisfaisants, qui perdurent simplement tant que ça ne devient pas insupportable, pour tout un tas de raisons (la pression culturelle qui considère la durée comme critère de réussite n’y est certainement pas étrangère).
Bon courage
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