Infidélité : l’espionnage est-il aussi odieux que le mensonge ?

On voit fleurir sur internet toutes sortes de conseils, techniques informatiques et autres applications d’espionnage pour détecter les mensonges des infidèles. Pourtant l’espionnage est aussi odieux que le mensonge.

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L’espionnage : le comportement symétrique du mensonge (ref. photo (c) farlevil on deviantart.com)

Le symbole de l’abject s’appelle iPhone Keylogger mais il y en a d’autres : c’est une application que vous installez sur le smartphone de la personne soupçonnée et qui vous retransmet à son insu tous les messages envoyés. Rendez-vous bien compte qu’il s’agit ni plus ni moins d’espionnage, comme de regarder par le trou de la serrure, d’écouter aux portes, d’ouvrir le courrier, de copier un disque dur, de mettre un micro dans un sac à main, de s’embusquer avec un téléobjectif. Et heureusement, les preuves obtenues de façon illégale ne peuvent pas être retenues à charge dans une procédure de divorce.

Il faut distinguer deux cas de figure : le cas du couple moribond et le cas du couple heureux. Dans les deux cas, la conclusion est la même : il est vain de se focaliser sur l’infidélité, et dangereux de se laisser tenter par l’espionnage.

Si le couple est malheureux

Si la vie du couple est atone voire houleuse, s’il n’y a pas de confiance, pas de dialogue, pas de partage ; quand chacun s’est déjà éloigné de l’autre, alors ce n’est pas l’infidélité qu’il faut combattre : il est évident que ce n’est pas en exigeant que Monsieur renonce brutalement à une passion dévorante qu’on va l’aider à redevenir sincère, attentionné et aimant. C’est le projet du couple qu’il faut réparer. Malheureusement quand on en est là, souvent les dégâts sont trop importants pour prétendre réparer quoi que ce soit. Le pire étant les couples dans lesquels il n’y a plus de dialogue depuis longtemps ; quand l’un ou l’autre (ou chacun des deux) tire la corde petit à petit, jusqu’à rupture ; quand il n’a jamais été possible d’évoquer une inquiétude, un souci, un problème, sans que la mauvaise foi, la colère ou la fuite sabote toute discussion.

Dans cette circonstance il n’est pas rare que chacun s’estime être la victime de l’autre ou de la relation. Mais infidélité ou pas, quand le couple en est là, il n’ira pas tellement plus loin. Si la séparation est déjà forcément la seule issue, y a-t-il réellement un intérêt à savoir si l’un ou l’autre a « fauté » ? La tentation d’utiliser l’espionnage pour se placer en situation favorable dans une négociation de séparation est compréhensible. Mais à l’instar de l’usage de la force armée pour régler un différend frontalier, c’est aussi un moyen très sûr de tout envenimer.

Si le couple est heureux

Si en revanche la vie du couple est heureuse et épanouie, si la confiance et l’amour sont là et que le dialogue est possible, il faut d’abord se demander pourquoi il y a mensonge ou dissimulation. Souvent c’est parce que l’infidèle ressent intérieurement que son aventure n’interfère pas plus avec la vie du couple que s’il allait s’amuser avec des copains. Et il préfère se taire ou même inventer des bobards pour « préserver » son couple, « préserver » l’autre qui ne « comprendrait pas », plutôt qu’affronter une crise qu’il ressent comme injustifiée et qui pourtant apparaît souvent inévitable.

Car malheureusement, il est très souvent vrai que l’autre n’est pas prêt(e) à comprendre. On est culturellement formaté dans l’idée qu’un couple doive être absolument exclusif et que si l’un ou l’autre cède à la tentation, c’est forcément que quelque chose cloche. On est encouragé à monter sur ses grands chevaux lors d’une crise de jalousie, même si en la circonstance, ce que l’infidèle vit de beau à l’extérieur, il ne le vole pas au bonheur du couple. On peut donc comprendre qu’il redoute une crise qui ferait tanguer le couple en cas d’aveu. Toutefois il faut bien se rendre à l’évidence que le jour où il sera découvert, le passif de mensonge accumulé pourra détruire tout ce qu’on avait voulu préserver, et même davantage. Donc le mensonge est certainement plus dangereux que l’aveu, et il faut trouver un moyen de le désamorcer.

Vouloir « confronter » le menteur dans cette situation pour obtenir réparation ou rétablir la vérité est extrêmement risqué : vous pourriez bien élargir la déchirure dans le couple en envenimant la crise de confiance. Il faut arriver à en parler posément. Éventuellement, le fait d’intercepter quelques SMS peut aider à mieux comprendre la situation et donc à entamer le dialogue par le bon bout – tout en sachant que lire des mots doux qui ne vous sont pas destinés peut être très déstabilisant et on peut se faire beaucoup de mal à soi-même. Le mieux est donc d’ouvrir le dialogue même quand on n’est sûr(e) de rien, de la façon la plus bienveillante possible afin que l’autre sente qu’il ne sera ni rejeté, ni condamné, et qu’on est justement là pour en discuter calmement. Prendre le temps de démêler ses propres sentiments est une étape importante, afin de ne pas mélanger l’indignation d’avoir été mené(e) en bateau, la souffrance liée au sentiment de jalousie, et le désarroi de ne plus trop savoir où en est le couple.

Et quelle que soit la tentation, il faut se dire que les questions « qui, quoi, quand, comment » ne sont que du voyeurisme : l’autre nous en parlera s’il a envie. Les questions importantes ne sont pas celles qui concernent les amants, mais celles qui concernent le couple : ce qu’on veut vivre ensemble, ce qu’on veut vivre chacun, et comment concilier le tout, dans le respect mutuel.

Et ainsi, dans les deux cas de figure, en plus d’être illicite et lâche, l’espionnage a de fortes chances de faire plus de mal que de bien. D’ailleurs, à y réfléchir un peu, celui qui espionne reproduit la posture de celui qui ment : il continue de détruire la confiance en choisissant la lâcheté plutôt que le courage d’en parler.

16 réponses à “Infidélité : l’espionnage est-il aussi odieux que le mensonge ?

  1. Bonjour Audren
    Je rejoins votre analyse, juste un point de désaccord. Si j’ai très bien pris le fait d’avoir été trompé j’ai par contre eu besoin de poser les questions « qui, quoi, quand, comment ». pas par voyeurisme mais parce qu’il est possible que je rencontre ce monsieur, et si lui sait que je couche avec ma femme il me parait légitime de savoir qu’il a couché avec elle. Et puis ça fera toujours un sujet de discussion à aborder avec lui 😉

    • Certes mais il n’y a pas forcément besoin de poser la question en ces termes. Il suffit d’évoquer le besoin d’être « à égalité » en termes de partage de l’information. Si elle ne lui a pas parlé de vous, elle n’a pas davantage à vous parler de lui. De même qu’il faut à mon avis plutôt dire qu’on préfère savoir qui c’est si c’est quelqu’un qu’on risque de rencontrer ou qu’on côtoie déjà, mais laisser à l’intéressée le soin de décider si le risque est réel ou juste un prétexte pour demander à savoir quelque chose qui ne nous regarder peut-être pas.
      Plus difficile à dire qu’à faire. Il faut à mon sens invoquer les comportements qu’on aurait si ce n’était pas un amant mais une amie.

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  4. Clairement, si votre femme vous a trompé, il y a toujours un problème.
    Une femme réellement heureuse ne trompe pas.

    Continuez de rêver messieurs.

  5. @Uncornu: c’est quoi être réellement heureux(euse) et bien équilibré(ée) ?
    Oui je crois que je vais continuer a rêver…

  6. En fait uncornu, c’est une conception différente du couple que j’ai toujours eu et peut être une autre façon de voir les choses. Je suis profondément heureuse avec mon mari et je me connais assez bien pour vous dire que je ne me mens pas à moi même.
    Cela ne m’interdit pas d’avoir besoin de me sentir complète et ce qu’un autre me donne, lui ne me le donne pas et vice versa. Et heureusement qu’il ne me donne pas tout , cela me donnerait l’impression de ne vivre que par lui .
    C’est comme mes amies, on vit des choses différentes avec chacun d’entre elles et toutes réunies, je suis la plus heureuse du monde.
    Je peux comprendre que vous ayez du mal à comprendre notre point de vue mais j’espère sincèrement qu’un jour vous réussirez à entrevoir les choses sous cet angle. Peut être n’êtes vous pas prête ou peut être cela ne vous convient il pas?

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