Si l’infidélité concerne surtout ceux qui ne sont plus heureux dans leur couple, c’est parce que les freins moraux aux aventures extra-conjugales sont trop forts pour que les autres se laissent tenter.
Deuxième redif. du dimanche. Toujours agrémentée d’un parcours de lecture à la fin. Rassurez-vous, ce n’est pas parce que je m’essouffle sur les articles : j’en ai toujours une quinzaine d’avance (c’est les dessins qui peinent à suivre). Mais comme il y a eu pas mal de nouveaux lecteurs récemment, ça vaut le coup de faire remonter deux ou trois billets du début. Bonne lecture et bon dimanche.
Je suis tombé récemment sur une étude qui épluchait les ressorts de l’infidélité. Ça m’a laissé un arrière-goût de tristesse : entre les séducteurs compulsifs, les épouses délaissées ou les couples en vrac sentimental, il n’y avait guère de place pour les hédonistes, si bien que je me suis senti un peu seul. Il en ressortait un tableau assez gris sur l’infidélité*, et de là à penser que les aventures extra-conjugales sont systématiquement le symptôme d’un mal-être, il n’y a qu’un pas. Lequel est allègrement franchi par la culture mainstream qui met ainsi les deux pieds dans le piège.
(*) j’utilise ici le mot « infidèle » dans son acception générale, bien qu’on puisse difficilement parler de tromperie ou d’infidélité quand la rencontre extra-conjugale est assumée et libre.
Car voyez-vous, il y a un contexte très fort qui biaise tout : aller voir ailleurs est interdit. Pas légalement, mais la morale et l’idéal du couple exclusif pèsent de tout leur poids pour nous en dissuader. Dès lors qu’avoir une aventure expose à l’opprobre, on comprend bien que l’idée traverse peu l’esprit de ceux qui vont bien. Et c’est majoritairement ceux pour qui la vie de couple devient vraiment pesante qui osent se laisser tenter.
C’est l’effet « prohibition » : aux US, dans les années 20, sous la pression de la morale puritaine qui voulait lutter contre l’alcoolisme, la vente d’alcool a été tout bonnement interdite. La consommation d’alcool est alors entrée dans une phase de clandestinité hypocrite, tandis que traficants et les mafieux en faisaient leur choux gras. Ceci renforçait encore l’idée que l’alcool était vraiment quelque chose de moralement répréhensible. En résumé, on pourrait dire que quand c’est mal vu, c’est mal fréquenté, donc c’est mal vu.
Ainsi l’infidèle* libre, hédoniste et assumé(e) se retrouve dans la position du gourmet des années 30 qui ne pouvait pas se servir un verre de Cabernet-Sauvignon de Californie sans être mis dans le même sac que les ivrognes ou les mafieux.
Mais desserrez-moi donc ce carcan moral suranné qui fait de l’exclusivité sexuelle le seul ciment du couple ! S’il suffisait de ne pas aller voir ailleurs pour que les couples soient unis pour la vie, ça se saurait. Et s’il suffisait de coucher avec un(e) autre pour flinguer un mariage heureux et épanoui, ça se saurait aussi.
Heureusement, il y a des exemples récents de tournants culturels réussis. Depuis que la culture mainstream est sortie d’une pudibonderie qui diabolisait le vibro ou le porno, les sex-shops sordides se sont métamorphosés en love-stores chics, et les productions « erotica » où les actrices prennent au moins autant leur pied que les acteurs font plus d’adeptes que le hardcore trash. De la même manière, je suis convaincu que quand les couples seront vraiment libres de ne pas signer tacitement le contrat d’exclusivité sexuelle, on verra plus d’infidèles* bien dans leur peau, qui papillonnent par pur plaisir de vivre sans pourtant délaisser leur couple s’ils s’y sentent épanouis.
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L’étude dont vous parlez, est-ce « les quatre visages de l’infidélité en France » (pas lu, en ce qui me concerne) ?
C’est possible. Je crois qu’en fait si je ne retrouve pas la référence, c’est que ça devait être un article qui parlait de l’étude et non l’étude elle-même.
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Merci Audren pour ta selection à l’intention des nouveaux lecteurs 🙂 J’avais bien envie que te vienne une idée comme celle-là. Oui. Ton idée, ta réflexion, ton analyse en général, m’interpellent et m’intéressent.
Cela m’aide à -me- comprendre, car tu fournis les références qui déculpabilisent. Tes propos m’éclairent, pourraient me libérer de mes propres tensions ; Tu me permets de trouver une place et me poser ! Merci.
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