Je prétends que pour tomber amoureux, seul le hasard fonctionne. Mais que pour faciliter « l’après-lune-de-miel », mieux vaut avoir pioché dans le bon talon.
Les sites de rencontre proposent tous un système de « profil » où chacun et chacune est sensé(e) se décrire.
D’abord, il y a la photo. Dans mon expérience, elle est généralement trompeuse. Soit un peu trop flatteuse, soit un peu trop pas assez flatteuse. Un choix sur une ou deux photos est encore plus superficiel qu’un coup de coeur dans un bar ou une boîte de nuit, où l’on a au moins l’occasion de voir comment la fille se tient, comment elle marche, comment elle parle (sans la voix vu les décibels), comment elle danse, comment elle sourit, comment elle nous regarde. Donc sur les sites de rencontre, choisir d’après photo est un moyen de se planter à coup sûr.
Ensuite, il y a ce qu’il faut bien appeler les données biométriques : taille, corpulence, couleur des yeux, âge, longueur des cheveux : on se croirait dans un fichier de police. C’est encore plus superficiel que la photo. Autant vouloir tomber amoureux d’un portrait robot. C’est le meilleur moyen de passer à côté de la fée qui a deux ans, deux centimètres, ou deux kilos de plus que ton ‘type’.
Les sites ajoutent enfin la possibilité de préciser un plus ou moins grand nombre d’autres informations concernant les études qu’on a faites, les films qu’on préfère, les sports qu’on pratique, etc. Là, c’est plus pour se trouver des « affinités », des compatibilités de personnalité. En théorie pour augmenter les chances de tomber sur quelqu’un qui nous plairait. Mais est-ce vraiment efficace ? Du bête blind-dating ne serait-il pas aussi approprié ?
Les questionnaires de « compatibilité »
La palme des questionnaires de compatibilité revient peut-être au site gratuit (mais anglophone) OkCupid qui propose de répondre à autant de questions que l’on veut, en précisant pour chacune si on juge importante la réponse qu’un(e) prétendant(e) aurait donnée à cette même question (du genre : je suis plutôt « chats » que « chiens », mais en fait je m’en tape). Pour l’instant j’ai dû répondre à 500 questions, mais je pense qu’il y en a plusieurs milliers*. Ensuite le site calcule grâce à un algorithme aussi savant que secret un pourcentage de compatibilité (en gros combien on a de points communs) et d’incompatibilité (en gros combien on a de désaccords majeurs) avec chaque profil visité.
(* un bémol tout de même : OkCupid se réserve le droit d’utiliser les infos de votre profil hyper-détaillé pour faire fonctionner son business-model / un peu comme facebook. C’est le prix de la gratuité)
Comme les questions sont pondérées par l’importance qu’on y accorde, les calculs d’OkCupid sont assez pertinents – ça n’empêche pas de tomber sur quelqu’un qui n’aurait pas grandi dans le même quartier ou qui n’aurait pas les même goûts pour les préraphaélites ou la capoeira, mais ça évite de tomber sur un néo-nazi.
Pour tomber amoureux : aucun intérêt
Convenons-en, OkCupid serait un bon arrangeur de mariages. Probablement nettement meilleur que moi quand je choisis juste toutes les brunes aux yeux clairs pas trop grandes ni trop grosses et qui savent aligner trois mots.
Cela dit, on ne vit plus dans un monde de mariages arrangés. On veut tomber amoureux, on veut vibrer, on veut des étincelles, des bulles et de la folie – au moins au début. Et on ne me fera pas croire qu’un algorithme saura deviner avec qui ça va faire tilt. Il peut éventuellement deviner dans quels cas c’est même pas la peine d’essayer – ça je sais faire aussi. Mais pour prévoir les coups de foudre (et surtout les coups de foudre à retardement, mes préférés), même moi je ne le sais pas du tout. L’attirance est faite d’une combinatoire improbable de gros miracles et de petits riens.
La bonne solution ça serait alors de rencontrer patiemment toutes les personnes qui ne me sont pas manifestement antipathiques. Jusqu’à tomber sur l’aiguille dans la botte de foin. Et pour ça, pas besoin de savants calculs d’affinités.
Peut-être pour rester ensemble longtemps ?
Mais un jour la passion s’apaise. Les étincelles sont moins brillantes, les bulles ont éclaté, la folie s’est assagie. On peut être toujours très amoureux(se) mais les défauts de l’autre commencent à se voir, puis potentiellement à devenir pesants. Si l’attraction des débuts était assez virulente pour vaincre toutes les objections, on voit maintenant affleurer certaines aspérités qui n’ont pas eu le temps d’être polies au contact de l’autre, qui ne s’emboîtent pas et qui grattent ou même qui font mal. S’il y en a trop, c’est la mort du couple.
C’est ce que m’a inspiré la lecture du roman de Maïa Mazaurette « La Coureuse ». Elle y trace l’histoire d’une rencontre intense, partie d’un coup de foudre passablement unilatéral ; à la suite duquel l’héroïne se moule littéralement sur la personnalité rude et anguleuse de son viking, en sacrifiant tout un pan de la sienne, poussée par un amour émouvant de violence et de candeur. Mais qui un jour finit par s’essouffler, en laissant voir les meurtrissures et les antagonismes.
C’est en ce sens que les rencontres par affinités peuvent nous aider. Il y a forcément plusieurs trèfles à quatre feuilles sur terre, plusieurs personnes dont on puisse tomber amoureux (un peu, beaucoup, passionnément, à la folie). Je dirais même que quel que soit le mode de sélection de l’échantillon, la proportion de personnes dont on puisse tomber amoureux est globalement la même*. Donc autant consacrer ses efforts à chercher du côté qui minimiserait les risques de désenchantement après la lune de miel. C’est d’ailleurs ce qu’on fait inconsciemment quand on ne fraie que dans son milieu socio-culturel. Les sites de rencontres nous permettent de nous aventurer un chouia plus loin, sans toutefois y aller à l’aveuglette.
(*assertion déduite d’une loi universelle similaire concernant la proportion d’imbéciles)
Et ainsi, en choisissant d’aller plutôt fleureter parmi les filles avec qui on s’entendrait bien même si on n’était pas amoureux, on diminue peut-être le risque de se réveiller un matin près de quelqu’un qu’on aime encore mais qu’on ne supporte bientôt plus.
Sur les sites de rencontres…
Quand j’ai le temps de les fréquenter, je contacte les profils sans photo. Il y a un côté pratique: la photo attire un nombre de sollicitations trop important, on se distingue en allant chercher celles qui, justement, n’ont pas de photo.
Et puis, je suis convaincu que la force des sites de rencontre est qu’ils permettent de rencontrer des gens hors de son cercle social, qu’on ne pourrait juste pas croiser « dans notre vie normale ». Aussi les affinités me semblent inutiles, il faut se laisser surprendre, avoir le courage de chercher un terrain d’entente inattendu…
C’est fort sage..
Je ne suis pas d’accord sur le profil sans photo. Le site n’étant pour moi qu’un moyen d’augmenter la possibilité de rencontre que ne permet plus notre vie quotidienne, je ne vois pas pourquoi ‘un fantôme’ serait susceptible d’être intéressant. Si on ne peut pas rencontrer les gens dans la vraie vie c’est en autre : parce qu’on a passé l’âge d’aller se trémousser en discothèque; que tout le monde dans le métro ignore son prochain absorbé dans le tripatouillage de son smartphone, que le boulot/la boite font assez chier pour qu’on n’ait pas envie de coucher avec… entre autre. Et comme dit justement, le site permet de regarder un peu plus loin que son cercle habituel… mais pas de photo 😦
Pas de photo avant d’avoir échangé quelques mots de tchat / quelques messages. Après, en général, on échange ses photos « privées » (ou par mail). Il faut s’imaginer un bal masqué. Après tout, c’est là que les amants de Vérone se sont rencontrés, si je me souviens de mes classiques.