Suite de la traduction de l’article de Daniel Bergner dans le New York Times. La première partie est ici.
Il y a cinquante ans, l’arrivée de la pilule a permis aux femmes d’interrompre l’ovulation, de dissocier le sexe et la reproduction. Au début des années 60, ça a joué un rôle dans l’avènement de profonds changements –culturels et sexuels, sociétaux et intimes– dans l’image qu’avaient les femmes d’elles-mêmes et dans la façon de vivre leur vie, à commencer par [l’abandon de] l’idée que les femmes étaient avant tout des mères destinées à faire des bébés. L’objectif du Lybrido (et d’un traitement similaire baptisé Lybridos que Tuiten a aussi soumis à une étude clinique, ou du quelconque autre composé chimique qui gagnera la course à l’autorisation de mise sur le marché) c’est qu’il permettra de passer à l’échelon suivant, de donner aux femmes le pouvoir de commander au désir, de libérer l’envie de sexe des obstacles qui se mettent en travers de son chemin. On considère souvent ces produits comme un « Viagra féminin » mais c’est inexact. Le Viagra s’occupe des artères ; il engendre les modification physiques qui permettent au pénis de s’ériger. Une substance qui s’occuperait du désir féminin fonctionnerait différemment. Elle affecterait les régions primitives et exécutives du cerveau. Elle s’immiscerait dans le psychologique.
Recrutées à l’automne 2011 par des annonces à la radio, dans les journaux et sur Craigslist, des femmes de tout le pays se sont portées candidates pour faire partie des 420 participantes aux études sur le Lybrido et le Lybridos, et malheureusement il n’y avait pas de place pour tout le monde. La perte du désir, quand elle entraîne la détresse émotionnelle, tombe sous le diagnostic clinique de ce que la profession des psychiatres appelle « désir sexuel hypoactif ». Les chercheurs estiment sa prévalence chez les femmes de 20 à 60 ans à environ 10 à 15%. Si on compte les femmes qui ne répondent pas tout à fait aux seuils cliniques complexes, ce chiffre monte à environ 30%.
Certaines de ces femmes que le sexe indiffère ou dégoûte n’ont toujours connu que cet état, indépendamment du partenaire ou de la durée de la relation, mais elles ne sont qu’une petite minorité. Pour les femmes moins jeunes, la ménopause et ses retombées jouent un rôle mais son importance fait toujours débat. Pour un bon nombre de femmes à faible libido, ce sont les antidépresseurs (en particulier les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine [p.ex. le Prozac], très couramment prescrits) qu’on peut pointer du doigt ; des millions d’Américaines sont sous ISRS et beaucoup d’entre elles aimeraient bien disposer d’une pilule qui ravive une libido chimiquement émoussée par la pilule qu’elles prennent pour maintenir leur joie de vivre à flot.
Mais c’est semble-t-il la monogamie elle-même qui serait à l’origine du malaise sexuel pour de nombreuses femmes. Car c’est bien les femmes, plus souvent que les hommes, qui se lassent de leur partenaire de vie. La psychologie de l’évolution nous dit que la cause est biologique, que les hommes ont naturellement un désir sexuel plus fort — et donc qu’ils peuvent simplement désirer la femme qui vit à leurs côtés. Mais les preuves d’une inégalité biologique dans la motivation sexuelle ne font pas l’unanimité. Une méta-analyse réalisée par les psychologues Janet Hyde et Jennifer Petersen de l’Université de Madison dans l’état du Wisconsin, et qui compile plus de 800 études menées de 1993 à 2007, suggère que les statistiques sur lesquelles s’appuient les psychologues de l’évolution pour justifier d’une différence innée — comme le nombre de partenaires sexuels ou la fréquence de la masturbation — sont lourdement influencées par le contexte culturel. La seule chose que les chercheurs savent réellement, c’est que l’asymétrie du désir existe bel et bien, au moins après un certain temps.
Les travaux de Dietrich Klusmann, psychologue à l’université de Hambourg-Eppendorf, nous ouvrent une lucarne sur les chambres à coucher des couples au long cours. Ses enquêtes, auxquelles ont participé plus de 2500 personnes en tout, réalisent l’une des rares comparaisons systématiques de l’évolution dans le temps du désir masculin et féminin au sein des couples stables. Elles montrent qu’au début de la relation, les hommes et les femmes déclarent en moyenne des niveaux de désir mutuel à peu près équivalents. Mais au bout d’un à quatre ans s’amorce chez les femmes une chute inexorable du désir si bien que le désir de l’homme se retrouve beaucoup plus haut. (On note cependant que les femmes qui ne vivent pas avec leur partenaire conservent leur libido bien plus longtemps que les autres.)
La série
1e partie
2e partie
3e partie
4e partie
5e partie
6e partie
7e partie
8e partie
« La psychologie de l’évolution nous dit que la cause est biologique, que les hommes ont naturellement un désir sexuel pus fort — et donc qu’ils peuvent simplement désirer la femme qui vit à leurs côtés »
Ca m’a toujours épatée de voir mon mari bander facilement alors que moi, dans un même état de fatigue ou de stress (boulot, etc) je me retrouve en mode léthargique face au désir, mon corps ne réagit pas ou peu, je ne mouille pas… -heureusement la tendresse ne s’efface pas aussi facilement… elle prend merveilleusement le pas quand il y a un coup de mou… J’en suis une grande friande 🙂 –
L’inégalité biologique dans la « motivation » sexuelle, je ne sais pas… Personnellement, j’ai vraiment le sentiment que nous ne sommes pas fabriqués tout à fait pareil, comme si l’homme était plus « physique » et donc plus stable face aux stimuli et la femme plus « psychologique » et donc plus sensible aux stimuli, avec des hauts et des bas plus importants… ce qui pourrait très bien expliquer une lassitude plus… « rapide » chez elles dans les relations longues… Tout cela indépendamment des « natures » plus ou moins bien pourvues en hormones -chez les hommes comme chez les femmes- 😉 qui fait que l’appétit n’est pas le même d’un individu à l’autre !
Le contexte culturel est indéniablement très important, car autrement il y a aussi beaucoup de monde qui vivrait en paix leur manque de désir, crois-moi … (demande un peu aux asexuels ce qu’ils en pensent, du regard de la société… )
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