Le modèle dominant dans notre compréhension de la dynamique du désir dans un couple, c’est que c’est la routine et le stress qui érodent la libido. On entend ça tellement partout qu’on oublie de se demander si c’est vraiment ça qui se passe.
Je crois que ce modèle est faux. La preuve, c’est que ceux qui se lancent dans des aventures extra-conjugales n’ont aucun problème de libido, sans qu’il leur faille s’échapper une semaine sur une île du Pacifique pour vivre leur idylle. Ils arrivent à caser leurs ébats dans leurs vies déjà stressées, tout en croyant que c’est le stress qui avait essoufflé le désir pour le mari ou l’épouse. Parfois, leurs rencontres sont hyper routinières (genre tous les mercredis de 19h à 21h parce que c’est l’heure du cours de pilates), mais plutôt que de trouver ça routinier, ils attendent le mercredi soir avec impatience.
Je crois donc qu’en fait, c’est l’inverse : c’est quand le désir baisse que nos régularités apparaissent routinières, que nos rythmes se révèlent stressants. C’est quand le désir baisse que la mauvaise communication pose des soucis, que les mauvaises habitudes de l’un ou l’autre deviennent insupportables, que les disputent prennent des proportions inattendues.
Atterrissage de l’amour, entrée en matière des premiers défauts. Bien sûr j’avais remarqué l’immensité des différences entre nous, [son] caractère complexe, ses mutismes aberrants, son goût pour la mauvaise peinture [mais] son obsession du contrôle s’était sérieusement calmée. [] Non seulement j’avais pardonné mais j’avais oublié.
[Je commence à remarquer] les erreurs de rasage, les cheveux gras, l’incapacité à se tenir droit, les jambes désarquées, les côtes trop saillantes, les poils mal dispersés sur la poitrine, uniquement des bagatelles mais qui s’accumulent comme des moutons de poussière sur la relation — et moi, quand je nettoie, j’anéantis. Etudiante, j’étais sortie avec un Belge, pour mieux le plaquer, quelques mois plus tard, exaspérée, sans rien d’autre à lui reprocher que son accent, si adorable lors des débuts.
Maïa Mazaurette, La Coureuse, Kero, 2012
L’image qu’il faudrait plutôt avoir en tête, c’est celle de la marée*. Quand la mer est haute, tout baigne. Mais quand la mer baisse, on voit les rochers. Et ce n’est pas la faute des rochers.
Evidemment, si on rabote les rochers, ça évitera au couple de faire naufrage ou de s’échouer, même en périodes de basses eaux (sauf s’il n’y a vraiment plus d’eau du tout, auquel cas on finira à sec quels que soient les efforts de ponçage des rochers). Mais ce n’est pas la faute des rochers, c’est celle de la Lune.
Et la Lune, et bien on n’y peut à peu près rien. En tout cas, personne n’a de solution magique.
(*) la dernière fois, je proposais l’image de l’huile dans le moteur – c’est un peu pareil mais c’est moins poétique.
A part évidemment rencontrer quelqu’un d’autre.
Oui et non, car accuser la Lune, c’est facile et ça empêche de devoir faire des efforts pour assurer la continuité de la relation ( le rabotage des rochers)
Il faut faire des efforts, soit pour raboter soit pour écoper et faire arriver plus d’eau, mais on a rien sans rien.
Effectivement ; et je n’ai pas dit qu’il ne fallait pas raboter les rochers. Mais je crois que la tendance est trop souvent à accuser les rochers et à oublier la Lune. Et les thérapies de couples se bornent souvent à lisser les problèmes de compagnonnage en pensant que ça fera revenir le désir alors que je crois que c’est souvent l’inverse.
Pourquoi accuser quelque chose ? Ni la lune, ni les rochers sont responsables de quoi que ce soit. Ils sont et se contente d’être.
Après, si tu veux faire de ce coin un port d’attache, il faut voir ce qui peut être modifié. Et tu le dis : la lune, on y peut pas grand chose. Cela semble donc logique, dans le but de faire durer une relation, de s’attaquer d’abord aux rochers. Et cela peut permettre au couple de tenir (si on considère cela comme un but), même si on a pas l’idée que cela fera revenir le désir.
Je ne crois pas que les thérapies de couple ait pour but de faire revenir le désir mais bien de rendre le couple agréable.
Quand je dis que c’est la faute à la Lune, c’est un peu une manière de dire que c’est la faute à pas de chance et donc la faute à personne. Et je suis d’accord avec toi sur le port d’attache.
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Tu dis ne pas penser que la fatigue du quotidien (avec enfant pour ma part) soit en cause, j’ai moi l’impression que l’organisation du quotidien peut parfois être LA cause. Je parle pour moi bien entendu. Quelques jours, pas quelques heures mais quelques jours, avec lever, coucher et nuit à n’avoir qu’à penser pour deux, ça change tout… et ça peut parfois faire se rendre compte qu’en fait, on s’aime et on se désire encore ! Un peu de répit, ça fait un bien fou et ça résout certains problèmes je trouve.
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Juste une petite réflexion sur le thème “ceux qui se lancent dans des aventures extra-conjugales n’ont aucun problème de libido, sans qu’il leur faille s’échapper une semaine sur une île”.
Je ne suis pas tout à fait d’accord. L’amant.e est en soi cette île. Le temps passé hors de la maison/du couple “principal”, c’est une échappatoire qui permet au désir ravivé de se manifester dans toute sa splendeur.
J’ai essayé de partir 2 ou 5 jours avec mon épouse sans enfants, juste tous les 2, une ville inconnue, une chambre d’hôtel et “hop les nuits à ne pas dormir”? et bien non, le compagnon de tous les jours emporte dans son aura les tracas du quotidien ou en tout cas leur existence alors que l’amant a comme une aura vierge de tout cela.
Des parents vont penser à leurs enfants durant leur escapade voire se sentir obligés de leur passer un petit coup de fil alors que les amants se foutent bien du monde qui les entoure. Du moins c’est ce que mon épouse m’explique lorsqu’on reviens de nos escapades un peu déçus, sentant ne pas en avoir profiter aussi pleinement qu’on l’espérait mais cet espoir était une pression inutile qui a participé à amoindrir nos désirs.
Un couple a toujours en tâches de fonds des tas de scories qui polluent ou brouillent le désir et même si on fait des efforts pour être désirable (gestion de la pilosité, efforts vestimentaires, attitudes), les petits tracas peuvent continuer à faire leur office de sape
Alors oui, il s’agit d’un constat, de mon expérience personnelle et non je n’ai pas de solution mais il n’y en a peut-être pas.
Il faut déjà se contenter de ce que l’on a, nos petits week-ends n’ont peut-être pas été des olympiades du sexe mais on a pu partager beaucoup et prendre du plaisir sous d’autres formes. Sinon on se met encore une pression supplémentaire qui tue le désir (ce serpent aime vraiment trop sa queue)
Dans mon cas, les escapades de mon épouses me l’ont toujours ramenée avec des étoiles dans les yeux et une libido au top pendant quelques jours jusqu’à ce que le quotidien nous rattrape alors on attend patiemment la prochaine fois