L’argument central selon lequel la monogamie serait une caractéristique issue de l’évolution, qu’on nous ressasse à l’envi, repose sur un biais ethnocentrique et une tautologie.
à l’origine de l’humanité, il était nécessaire, pour que le très jeune enfant survive, qu’il soit accompagné par un adulte (sa mère) et que comme celle-ci ne pouvait assurer seule la survie de leur duo (protection, recherches de ressources), la présence d’un autre adulte (le père) était nécessaire sur les premiers mois/premières années de sa vie : d’où les mécanismes hormonaux prévoyant l’attachement entre le père et la mère (ocytocine). (Arthur Vernon, dans son interview par Camille pour sexpress)
La tautologie
D’une façon générale, les recherches en psychologie de l’évolution autour de la structure du couple chez les humains font l’hypothèse que la construction monogame est issue de l’évolution et non pas d’une pression culturelle. Ce qui les oblige ensuite à toutes sortes de contorsions de raisonnement pour arriver à la conclusion à laquelle on voulait aboutir au départ (la monogamie est issue de l’évolution).
Or l’évolution n’aime pas la monogamie. Le principe de la reproduction sexuée, c’est de mélanger les gènes au maximum. Pour maximiser les chances de transmission de ses gènes, une femelle n’a aucun intérêt à avoir tous ses petits avec le même mâle : du point de vue de l’évolution, ça serait à mi-chemin de la parthénogenèse. Donc il faudrait que la monogamie confère un avantage considérable au taux de survie de la descendance pour devenir une caractéristique stable au sens de l’évolution. Ce qui explique pourquoi il y a si peu d’animaux monogames (et quasi aucune espèce de mammifère strictement monogame).
Alors on dit : comme le bébé humain est si fragile, il aura davantage de chances de survie si la mère peut durablement compter sur le soutien … du père.
Cet argument (malheureusement colporté par monts et par vaux sur le ton de la science triomphante) est tautologique : on suppose d’abord que la cellule de soutien à l’enfant était le couple père-mère (en oubliant que la famille nucléaire est une construction hyper récente) et on en déduit qu’il faut que la sélection ait organisé la fidélité (au moins une forme de loyauté du père) pour que justement => le couple (tadaa !).
Le rôle du groupe
Mais la cellule de soutien était le groupe (ce qui est le cas chez tous les primates sociaux, y compris le genre homo jusqu’au néolithique et jusqu’à preuve du contraire). Donc il n’y avait pas spécifiquement besoin de s’assurer de la loyauté du père — voire, il vaudrait mieux s’assurer de la loyauté d’un grand nombre de pères putatifs (théorie de Chris Ryan qui propose que la « paternité partagée » donne une plus grande chance de survie aux enfants que la paternité exclusive).
On peut d’ailleurs faire remarquer que les petits chimpanzés et bonobos ne sont pas autonomes avant 5 ans et pourtant ni les chimpanzés ni les bonobos ne sont monogames, même pendant ces 5 ans, même pas un petit peu. Donc si l’argument du manque d’autonomie du jeune ne tient pas chez nos plus proches parents, pourquoi aurait-il valeur de preuve pour nous-autres ?
La sélection de parentèle
Quant à l’argument selon lequel le père doit de son côté s’assurer de la fidélité de sa femme pour transmettre ses gènes et non ceux des autres, il n’est plus tellement valable pour des espèces sociales, où tout le but de la coopération, c’est de maximiser les chances de reproduction et de survie du groupe dans son ensemble et non pas celles des individus — en quelque sorte dans une espèce sociale, je délègue la transmission de mes gènes au groupe*. En contrepartie, j’apporte mon soutien au groupe même si ça doit transmettre les gènes des autres (c’est le deal, mais comme le groupe m’est largement apparenté, mes gènes ne sont pas tous perdants).
(*à quelques nuances près, du genre l’infanticide (surtout chez les espèces où le groupe est constitué d’un harem autour d’un mâle dominant) — ça sert moins à exterminer la descendance du prédécesseur qu’à hâter le retour de couche des femelles. Ça arrive chez les chimpanzés mais n’a jamais été observé chez les bonobos.)
Et quand les mères poussent l’altruisme jusqu’à adopter les petits orphelins (donc qui ne sont évidemment pas de leur descendance), on voit bien que la logique de la coopération de groupe prime de loin sur l’idée étriquée que l’on se fait parfois des mécanismes de sélection.
Comme quoi le « gène égoïste » n’est pas dogmatique : s’il faut coopérer pour se transmettre, son égoïsme le poussera à coopérer (ça s’appelle la sélection de parentèle).
Excellent… et franchement bien vu… il est vrai qu’il faut casser ces « idées » reçues…
Maintenant de rappeler qu’une fois encore, il y a un biais énorme dans la discussion: on cherche ici à se libérer du carcan de la biologie évolutive et de la philosophie biologique…tout en se basant exclusivement sur des arguments de ce type…c’est une peu « schizophrène » non?
Je rejoins complétement Audren cependant…rien ne sert de chercher de modèle dans la nature… nous sommes le modèle évolutif que nous sommes. Or l’évolution, ni bonne ni mauvaise étant ce qu’elle est, a doté la génétique de ce que l’on appel le « crossover »… faculté primordiale des gênes de « s’enjamber » afin de générer de nouveau chromosomes porteur de mêmes allèles mais à des endroits différents.
L’enjambement1, appelé également « entrecroisement » ou encore par les anglicismes « crossover » ou « crossing-over », est un phénomène génétique qui a lieu lors de la méiose et qui contribue au brassage génétique lors de la reproduction (Recombinaison génétique).
À la fin de la prophase 1 (début métaphase 1) de la méiose, les chromosomes homologues (i.e. d’une même paire) se chevauchent formant ainsi des figures caractéristiques appelées « tétrade de chromatides » et échangent des fragments de chromatides. Le résultat en est le brassage intra-chromosomique des allèles : tous les gènes situés sur une paire de chromosomes peuvent être brassés grâce au phénomène de la « recombinaison homologue par enjambement », ce qui modifie l’association d’allèles portée par chacun des chromosomes. Ainsi, les deux chromosomes de chaque paire après la méiose sont différents des deux chromosomes de départ, on dit qu’ils sont « recombinés ».
Le brassage génétique ainsi assuré est plus performant que n’importe quel échange de chromosome et garantit ainsi au sein d’une même population ou métapopulation., le renouvellement et la résilience génétique. Il y a effectivement une limite à ceci, c’est son taux et sa temporalité. Il apparait clairement que dans le cas d’une population « fermée », la consanguinité va poser des problème affaiblissement bien avant que le taux de crossover n’ai réussi à contrebalancer la reproduction « telle quelle » de certain gênes.
La question pour moi sera simplement la suivante: POURQUOI vous justifier? Rien ni personne ne peut vous »condamner » pour ce que vous faites…sinon vous mêmes… et tout juge subit nécessairement le déficit de preuve, puisque le propre de l’humain est l’erreur… Et donc l’interprétation. Vous n’avez aucunement besoin de chercher à justifier votre manière de vivre, de penser ou concevoir les choses. S’il ne s’agit que de transmettre réflexions et idées, alors soulagement. Dans le cas contraire, je serais surpris un peu qu’une telle intelligence se sente encore enfermée par les dogmes et les soi disante « lois de la nature ». La nature, dans sa grande sagesse a précisément permit tout ce qui se produit. IL n’y a pas lieu de discuter de la pertinence ou de la réalité de l’existence de vos comportements, choix, idées…elles existent et à ce titre sont parfaitement légitimes, pour autant, seulement et seulement si, elles n’interdisent aucunement la réciproque….
Or il est une chose que la NATURE nous apprend sans cesse… le plus… n’est pas le mieux. Nos rendements humains..qu’ils soient électriques, mécaniques, intellectuels sont risibles en regard de ceux observés dans la nature. Et si elle ne cherche pas à conserver les états… elle est économe de ces états. Donc si le plus de partenaire garantissait effectivement la plus grande survie, brassage génétique, résilience des populations, il va de soit que toute variation infraspécifique n’aurait pas lieu d’être et serait de fait condamnée par certains principes évolutifs à la disparition. Ce qui n’est pas le cas… précisément parce que ce sont les « exceptions » qui confirment les règles et ce sont les extrêmes comportementaux, sociaux, intellectuels, médicaux, politiques et biologiques qui influencent le plus notablement la moyenne. Et plus encore, la norme, répartition statistique correspondant à 68,2% des occurrences sous la courbe de la « loi normale » de Gauss.
Je ne crois pas que nous puissions trouver plus de sens en s’inspirant de la nature… Il y a une réalité c’est que la possibilité d’envisager les choses comme vous le faites existe, elle est vraie et donc légitime. Cela s’arrête là. Vous avez le droit… Chercher à obtenir l’assentiment ou la reconnaissance du plus grand nombre serait accorder plus de crédit à ces fameux 68.2% statistiques compris sous la courbes. Or il n’ont ni plus, ni moins de valeur réelle que la votre! Vous êtes, et cela est juste et bon… je ne transigerai jamais avec le bonheur et la légitimité des gens. Les raisons sont souvent ignorée, mais cela importe peu…
J’aime moi-même plein de gens… mais je ne les possède pas, et je ne cherche pas à vivre avec chacun la « même chose » factuellement. Cela n’empêche qu’en les aimant je suis « soucieux » de leur bonheur… et il ne s’agit aucunement de transaction.
Sauf erreur de ma part, chez les chimpanzés et bonobos, l’adoption n’est pas que le fait des femelles. Il a été observé des mâles qui ont pris le rôle de « mère » pour de petits orphelins (porter, nourrir…).
C’est vrai et ça montre bien que l’altruisme est profondément ancré dans la grande famille chimpanzés/bonobos/humains.
T’as ça aussi:
http://fr.wikipedia.org/wiki/Mod%C3%A8le_%C3%A9volutif_r/K
Y’a-t-il un rapport?
Dooonc… Vous êtes en train de nous dire que vous êtes en couple libre pour assurer votre succès reproducteur ? 😉
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Concernant l’origine de la monogamie, je vous conseille de lire le Deuxième sexe de Simonde de Beauvoir (si ce n’est pas déjà fait). Dans le premier volume (il me semble) elle retrace la place de la femme dans notre société au cours de l’Histoire.
De ce que j’en avais retenu, elle défend la these que la monogamie est une construction de la société patriarcale basée sur la propriété. En effet, il s’agit alors à l’homme propriétaire de s’assurer qu’il dispose de descendants à qui transmettre ses biens. Ce qui ne pouvait être assuré, dans un contexte où la contraception n’existe pas vraiment, qu’en s’appropriant la femme et en s’assurant de sa fidélité. Le modèle monogamique a alors été mis en valeur et s’est assuré le soutien de la religion locale pour defendre cette construction comme étant la plus souhaitable.
J’ai même vu des interprétations pires : c’est l’arrivée de l’élevage qui aurait fait comprendre aux hommes les mécanismes de la reproduction et les structures sociales/coutumières/légales de l’appropriation d’un cheptel
D’ailleurs ne lit-on pas dans un best-seller du début du millénaire précédent « tu n’auras pas de visées sur le boeuf, l’âne, ou la femme de ton prochain. » ?
Je complète l’avis précédent. La propriété date même de l’agriculture, et de la sédentarité.
Néanmoins, est-ce cette propriété qui a créé la jalousie, ou c’est la jalousie qui est naturelle comme la violence et la racisme, et qui a créé la monogamie, dans de nombreuses cultures différentes, stables depuis 10 000ans, remises en causes depuis 50 ans, depuis Simone.