Quand les ami-e-s ne sont d’aucun secours

Quand on se retrouve désemparé-e par une situation où entre en jeu la non-exclusivité (sexuelle ou amoureuse), les conseils d’ami-e-s sont généralement totalement à côté de la plaque. C’est pour cela qu’il y a les cafés-poly.

Cup of coffee - digital pencil drawing

Café mono (ref photo (c) Elicice sur Deviantart.com)

Le bon sens est la chose du monde la mieux partagée : car chacun pense en être si bien pourvu, que ceux même qui sont les plus difficiles à contenter en toute autre chose, n’ont point coutume d’en désirer plus qu’ils en ont. En quoi il n’est pas vraisemblable que tous se trompent (René Descartes, Discours de la Méthode 1637)

De la pertinence des conseils d’amis quand on parle de non exclusivité

Demandez à votre meilleur ami des conseils sur la programmation en python, sur la pêche à la mouche ou sur la cuisine malgache. Il vous dira probablement qu’il n’y connaît rien. Et il reconnaîtra même peut-être qu’il ne connaît personne vers qui vous aiguiller. Éventuellement, il regardera sur Google.

Mais certains sujets semblent tellement universels que tout le monde s’improvise expert. Par exemple, on a toujours tous un avis éclairé sur l’éducation des enfants, la conduite automobile, la justice fiscale. Et surtout sur les histoires de couple et de sexualité.

Pour se qui est du sexe, j’avais déjà pointé du doigt la pratique généralisée d’ingérence normative dans cet article.

Pour les histoires de couple, c’est un peu pareil ; et si vous demandez conseil, il est rare que votre ami-e vous réponde « Alors là, aucune idée. Je n’ai jamais été confronté-e à ce genre de trucs, je te dirais des conneries si j’essayais de te répondre ; tu as essayé de voir sur internet ? »

Or les situations de non-exclusivité sont largement méconnues (en particulier parce que la grande majorité reste invisible). Rares sont les personnes qui connaissent un peu le sujet, qui se sont documentées, qui ont vécu la chose — ou qui l’ont vécue autrement qu’en suivant le script explosif pré-écrit dans notre culture. Et donc demander conseil à un-e ami-e sur une situation de non-exclusivité revient à lui demander un avis sur la scolarisation d’un enfant atteint du syndrome d’Asperger, sur le pilotage d’une chenillette sur rivière gelée ou sur la gabelle en Basse-Navarre au XVIIe siècle : on parle en gros d’un sujet sur lequel sur lequel tout le monde croit tout savoir (enfants, voitures, impôts) mais avec un détail qui change tout.

oh, ça doit pas être bien différent de la façon de conduire ma Logan sur route mouillée…

Les cafés-poly et leurs affluents

C’est pour ça qu’il est risqué de demander conseil à ses ami-e-s quand il s’agit de non-exclusivité (y compris et surtout les situations d’infidélité). C’est déjà bien si on peut se confier sans se prendre un jugement à l’emporte-pièce par boomerang.

Cela dit, c’est pas tellement mieux de se retrouver isolé-e non plus. Il est précieux de pouvoir se tourner vers un groupe de personnes qui ont réellement l’expérience de situations de non-exclusivité, qui savent vous écouter sans vous répondre de suite que « c’est malsain« , qui savent vous proposer des ressources ou des thérapeutes qui sont un peu au courant.

C’est le but des cafés-poly. Sur le même principe que les munchs dans le monde BDSM, ce sont des événements plus ou moins réguliers, organisés dans la plupart des grandes villes, et où celles et ceux qui veulent discuter de situations de non-exclusivité sont invité-e-s à venir pour parler et écouter, autour d’un café, d’un resto, d’un repas tiré du sac.

Chaque groupe local organise les rencontres à sa façon, et les discussions peuvent être thématiques ou pas, cadrées ou pas, individuelles ou collectives. Comme il s’agit d’un phénomène assez récent, on y est souvent entre débutants mais ces débutants sont généralement infiniment mieux documentés que le moindre de nos amis.

Et l’idéal est d’y nouer des liens avec une personne ou un couple (ou davantage) qui a déjà fait peu ou prou l’expérience de ce que vous vivez pour vous aider à naviguer dans la tourmente.

Pour trouver un café poly près de chez soi

On peut commencer par le forum polyamour.info (et son frère belge polyamour.be). La plupart des événements y sont annoncés.

Sinon, il y a les groupes poly sur facebook (attention à bien regarder s’il s’agit de groupes privés ou publics avant que tous vos amis FB soient au courant que le sujet vous intéresse). Comme je sais mal chercher sur facebook, je vous laisse faire, vous saurez probablement mieux que moi.

A lire aussi : histoires d’amours plurielles

Contrairement à d’autres ressources qui sont là pour vous conseiller, ce site est juste un recueil de témoignages. Pas de commentaires, pas de jugements : juste des histoires vécues de situations de non-exclusivité, heureuses ou pas. Ça peut permettre de se sentir moins seul-e. C’est aussi un bon endroit pour se confier (de façon anonyme), tant il est libérateur de pouvoir tout déballer quand on se sent dans une situation hors du commun.

Bonne lecture et bonnes discussions.

12 réponses à “Quand les ami-e-s ne sont d’aucun secours

  1.  » les situations de non-exclusivité sont largement méconnues (en particulier parce que la grande majorité reste invisible) »

    C’est vrai, mais j’ai le plaisir de constater parmi ma generation quelques changements (j’ai la 20aine), une plus grande ouverture au concept, des jeunes plutôt documentés ou du moins qui connaissent le concept =)
    Foi en l’humanité.

  2. Bonsoir,

    Je comprends la recommandation sur le principe, mais je rentre de mon premier café poly ce soir, avec une intense frustration.
    Entendre des « professionnels de la profession » (l’expression est de Godard) théoriser sur le moi-je en faisant abstraction de ce qui me parait (à moi, donc c’est un point de vue éminemment personnel) fondamental, à savoir l’autre, dans toutes ses variantes, est vraiment étrange et m’a mis extrêmement mal à l’aise au point que je n’ai pas attendu la fin.
    Bon, cette impression est sans doute liée à cette édition précise des café poly, j’y retournerai..

    Luc

    • Les cafés poly ont tous une ambiance différente d’une ville à l’autre et d’une fois sur l’autre en fait.
      L’astuce c’est aussi d’aller causer en off avec les gens (mais pour ça il faut avoir fait une ou deux séances d’observation pour savoir à qui on veut parler 😉 )

    • Aux cafés parisiens en général il y a des points de vue très divers et divergents exprimés, certains plus théoriques d’autres pratiques, etc. Donc ça m’étonne cette impression que tout le monde faisait abstraction du plus fondamental selon vous.

      Et puis vous avez la possibilité normalement de prendre le micro et d’en parler vous, si personne ne parle d’un truc central pour vous (à Paris et normalement partout, les nouveaux et les personnes n’ayant pas encore parlé du débat sont prioritaires sur les tours de parole).

      Vous avez également la possibilité de proposer des sujets sur le forum, ou même de poser une question pas en lien avec le sujet si vous avez besoin d’une réponse dessus.

      Bref hésitez pas à revenir et à participer au débat on est là pour ça.

      • Bonjour,
        Précision utile mon message n’était pas une critique généraliste mais une réaction quasi à chaud (le mail me prévenant de la publication de la note sur le site est arrivé..ou du moins je l’ai vu… au moment ou je rentrais de ce fameux premier café poly).

        Encore une fois cette réaction ne vaut que pour moi et pour cette édition précise.

        Pour ce qui est de prendre la parole, le côté ultra sentencieux et hyper régulé de la gestion de groupe n’incite pas trop un nouveau venu à s’épancher sur des sujets par essence assez personnels et qui s’accommodent assez peu de ce cadre très restrictif (enfin que j’ai vécu comme tel. j’ai pas mal animé de groupes, ça a été longtemps mon métier, là c’était vraiment une version quasi militaire de la chose).

        Comme je l’ai dit plus haut je m’y rendrai régulièrement (d’autant plus que j’y ai croisé un ex collègue perdu de vue depuis 15 ans…)

        Luc

      • Oui l’orga est quasi-militaire mais si c’etait pas le cas plein de gens parleraient pendant plus de 5 mn (surtout des anciens) et reprendraient trop la parole ou se repondraient en ping pong, et les autres pourraient pas en placer une. Les gens applaudiraient avec les mains et vu le nombre et l’echo ca serait infernal. Bref oui c’est parfois chiant mais comment faire mieux ?

  3. Moi j’ai une solution encore plus simple j’ai quasiment pas d’amis mono (seulement une micro-poignée gardée d’avant) et quasi toutes les nouvelles personnes que je rencontre sont poly (ou AU MOINS poly-acceptantes, à savoir acceptant que leur compagnon/ne puisse être poly -ce qui pour moi revient à être poly soi-même mais comme certains se définissent mono, je respecte).

    (et je ne garde aussi que les personnes safe sur tous les sujets d’oppression, féminisme racisme handicap etc. Personnes que je retrouve d’ailleurs 500 fois plus chez les poly qu’ailleurs, même si c’est pas tout noir et tout blanc, mais c’est un autre sujet).

    Ça change la vie. (et tant pis pour les éternels mono/cis/hétéro/whatever qui viennent me faire du splaining et me dire que je devrais être moins sectaire).

  4. Pingback: Piratage AshleyMadison : bientôt une vague de polys débutants ? | les fesses de la crémière·

  5. Houla… Ben décidément Paris ça n’a pas l’air d’être la joie (ouh la vilaine provinciale plouc que je suis…).

    En Bretagne on est beaucoup plus détendus, pas de micro, de toute façons on est pas très nombreux donc ça favorise l’intimité de l’échange, la convivialité…

    Bien que je ne sois pas hyper rodée sur les cafés polys, comme dans toute assemblée, vu qu’il m’est plutôt facile de prendre la parole, je suis vigilante quant à celles et ceux pour qui ça ne l’est pas, et je les encourage avec bienveillance à prendre la parole, sans pression aucune ni insistance désagréable (en tous cas j’essaie au maximum).

    N’hésitez pas à venir nous rencontrer, ce sera toujours avec plaisir !

    (Euh, puis-je signaler l’existence de ce très chouette site de poly-e-s: amours.eu ? Vous pourrez y trouver des groupes par ville, des contacts de cafés polysA, rencontrer des chouettes personnes… Bien, quoi !)

  6. Pingback: « Le couple libre, moi je pourrais jamais  | «les fesses de la crémière·

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