Le moratoire de la lune de miel est valable pour tout le monde

Où j’élargis au commun des moldus la saine recommandation comme quoi il vaut mieux retarder les grandes décisions de vie quand on vient juste de (re)tomber amoureux.se.

Emma Stone et Ryan Gosling dans La La Land (2017)

Parmi les buzzwords qui circulent dans le contexte polyamoureux, il y a la notion de NRE. De l’anglais « New Relationship Energy« . Traduit en français, c’est dans les premiers temps d’une nouvelle rencontre, quand ton.ta chéri.e est parti.e tellement loin sur son petit nuage qu’il te faut périodiquement lui agiter une main ouverte entre ses pupilles et son téléphone en disant « allo ? y a quelqu’un ? » pour l’arracher quelques secondes à son grisant ping-pong de t(s)extos. Traduit en français-mono, en fait ça veut juste dire quand ielle est raide dingue amoureu.x.se. Le sigle à trois lettres anglo-saxon, il permet juste de se sentir un peu moins menacé.e quand on n’est pas destinataire principal.e de toute cette attention enflammée.

Et dans le monde polyamoureux, le concept de NRE est accompagné d’un précepte qui fait loi depuis que Françoise Simpère l’a ou formulé ou popularisé (un dessin à gagner pour qui trouvera la référence originelle) : pas de décisions susceptibles de chambouler irréversiblement nos vies et la structure de nos relations existantes tant qu’on est dans la période de lune de miel. Donc par exemple on attend six mois voire un an avant d’emménager en triade, de démissionner pour se rapprocher, de lancer une procédure de divorce ; …voire deux ans.

Sous ses dehors anti-romantiques, à rebours de tous nos réflexes de contes de fées, cette précaution est éminemment sage. De même qu’il vaut mieux éviter de conduire sous l’emprise de l’alcool, de même il est risqué de diriger sa vie sous l’emprise de l’amour. Ce qui n’empêche pas de goûter aux plaisirs de l’un ou l’autre, tant qu’on garde une vague conscience qu’on est temporairement hors d’état d’évaluer son propre niveau de lucidité.

Car l’amour romantique, fait d’exaltation quasi-psychotique, d’idéalisation béate et de jeux de miroirs où je renvoie surtout à l’autre ce que je crois qu’ielle veut voir en moi, cet amour est piètre conseiller. D’autant plus piètre que dans le même temps, cette énergie particulière dans laquelle il me plonge me fait croire que j’ai des superpouvoirs de superlucidité et que cette fois-ci, j’ai vraiment rencontré quelqu’un de phénoménalement plus extraordinaire que tout, et que le moindre doute à ce sujet serait un crime de lèse-waldizné.

Les polyamoureux ont le grand mérite de reconnaître le phénomène. Comme avec beaucoup d’autres plaisirs de la vie, il s’agit de trouver un modus vivendi qui permet d’en profiter tout en évitant les plus graves déconvenues. Et donc : faire un effort conscient pour entretenir les relations existantes quand bien même elles paraissent ternes et prosaïques en comparaison du nouveau trip ; et surtout : pas de grandes décisions tant qu’on est encore tout.e épris.e.

Combien attendre ?

Six mois, un an ? C’est très arbitraire.. Y a-t-il un critère objectif ?

J’en propose un. Il vaut ce qu’il vaut. C’est quand le débit de messages ou le délai de réponse commence à s’équilibrer entre la nouvelle relation et les précédentes, sans que ledit débit ou délai occasionne une quelconque insécurité à l’autre bout. Libre à chacun.e de transcrire mon critère dans ce qui caractérise le mieux ses propres comportements d’obsession amoureuse.

Tout ça pour dire que

Tout ça pour dire que si on est d’accord que c’est une bonne idée d’éviter de délaisser ses relations existantes et de surtout de s’imposer un moratoire de décisions majeures tant que dure la lune de miel, alors le précepte devrait être largement popularisé au-delà du monde poly. Car si on ne se marie plus guère le lendemain du bal, ni même au bout de deux ans, il est encore assez fréquent pour deux récent.e.s ex-célibataires d’emménager ensemble au bout de quelques mois, quand on est encore tout frissonnant.e d’infatuation.

Les pratiques outre-atlantique de dating à rallonge ont au moins ce mérite, à mon humble avis, de temporiser les ardeurs jusqu’à ce que les décisions aient une meilleure chance d’être saines et réfléchies. En France, à part les contraintes géographico-universitaires, je ne crois pas avoir ressenti un frein culturel à a pression romantique (et financière-fallacieuse) de rapprochement fusionnel rapide.

Mais je peux me tromper.

Épilogue

Pour une fois, Walt Disney et moi on est d’accord sur un truc 🙂


à partir de 0’20 »

Kristoff: so, em, tell me, what made the queen go all ice crazy?
Anna: Oh, well, it was all my fault, I got engaged, but then she freaked out because I’d only just met him -you know- that day, and she said she wouldn’t bless the marriage and –
Kristoff: – wait ! You got engaged to someone you’d just met that day?
Anna: Ya, anyway, I got mad, and so she got mad, then she tried to walk away, and I grabbed her glove –
Kristoff: – hang on! You mean to tell me you got engaged to someone you just-met-that-day?
Anna: yes, pay attention …

9 réponses à “Le moratoire de la lune de miel est valable pour tout le monde

  1. Bonjour,
    Merci pour cet article et ce conseil, qui a l’air tout simple mais mérite une vraie réflexion.
    C’est toujours un plaisir de lire vos articles, et pour ça aussi je vous remercie !
    (Oh, et : il s’agit d’Anna, pas d’Elsa, dans la scène de Frozen 😉)

  2. Bonjour!
    Merci pour cet article avec lequel je suis tout à fait en accord 🙂 Juste pour info, la référence originelle de la citation de Françoise Simpère est tirée de son livre « Guide des amours plurielles » 😉

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