Consentement vs Approbation

Mise au point lexicale : pour éviter la confusion dans les esprits, il faut arriver à faire clairement la différence entre ce qui touche à moi et à mon corps (et où il est impératif que je sois en mesure de consentir) et ce qui touche au corps des autres (et où on peut éventuellement me demander si j’approuve ou si je désapprouve).

mon corps, ma personne, mon consentement (ref. photo galifardeu sur deviantart)

mon corps, ma personne, mon consentement (ref. photo galifardeu sur deviantart)

J’ai souvent lu ou entendu que l’adultère c’était mal parce que le consentement du conjoint n’a pas été sollicité.

Je comprends ce que ça veut dire dans le langage courant mais ça me gêne que ce soit exprimé en ces termes parce que la notion de consentement, dans un contexte où l’on parle de sexe, devrait garder son sens légal et bioéthique strict. En l’employant dans un sens trop vague, on perpétue dans les esprits une confusion pré-droit-de-l’Homme où l’intégrité physique et la liberté de disposer de son corps étaient assujetties au bon vouloir du suzerain (qu’il soit mari, précepteur, commandant, prêtre, roi…).

Consentement : c’est moi que ça touche, directement

Dans le sens restreint que le mot consentement a pris dans les questions d’éthique médicale, je suis appelé-e à donner ou refuser mon consentement à des actes qui concernent directement ma personne : un test sur mon ADN, un acte chirurgical sur mon corps, un traitement médicamenteux qui rentrera dans mes cellules.

Et de façon similaire, en matière de sexualité, la notion de consentement est plus restreinte que de juste savoir mon opinion sur un sujet : si je suis majeur-e, il s’agit de savoir si je consens à participer à quelque chose qui touche ma personne directement.

Consentement vs approbation

Quand on parle de pratiques ou d’orientations sexuelles, de couple, de jalousie ou d’adultère, je propose ainsi de n’utiliser le mot « consentement » que dans son strict sens de souveraineté personnelle, c’est-à-dire quand il s’agit de donner mon accord à des choses que l’on fait à moi ou à mon corps.

A contrario, quand ce n’est pas de mon corps qu’il s’agit, pour ne pas confondre, je propose d’utiliser le mot « approbation ».

(le mot « assentiment » est déjà pris dans le contexte médical et sert à désigner les cas où l’on demande son avis à une personne qui n’est pas en mesure de donner son consentement libre et éclairé — par exemple quand c’est une personne mineure ou dépendante)

Savoir si je suis d’accord que mon frère soit gay, si ça me choque que mon mec mate des films en se caressant, ou bien si ça me va quand ma femme couche avec quelqu’un d’autre, ce n’est pas de l’ordre du consentement : ça ne touche pas directement ma personne (même si ça ne me fait pas rien). S’ils ne font pas ça en ma présence, ça passe d’abord et avant tout par leurs corps à eux, et donc le consentement n’est pas de mon ressort.

Après, s’ils me consultent, je pourrai dire si j’approuve ou pas, et ils en feront bien ce qu’ils veulent.

11 réponses à “Consentement vs Approbation

  1. J’approuve totalement cet article !
    J’aimerais tant que nous soyons tous plus précis dans la vie quotidienne ! Mais la précision a mauvaise presse, le flou artistique profitant tout de même à une quasi-religion de la possession.

  2. La phrase « l’adultère est mal parce que le consentement du conjoint n’a pas été sollicité” peut quand même être encore correcte dans ton sens de consentement (“ce que concernent directement ma personne”). En fait, si le contrat (implicite ou explicite) entre deux personnes en couple est d’être dans une relation exclusive/monogame, chaque conjoint a le droit de consentir ou non avant de se trouver dans une relation d’autre type. Et donc ce n’est pas parce-que un des deux a tout le droit de faire ce qu’il/elle veut avec son corps, qu’il/elle a le droit de changer (unilatéralement et en secret) le format de la relation entre les deux.

    Sinon, parfaitement d’accord avec ton concept de consentement.

    Je suis moins sûre sur le mot approbation. Ça me sonne encore trop proche de consentement, ou au moins comme quelque chose que moralement c’est bien d’avoir avant qu’on puisse faire quelque chose. Je pense de plus en plus que le mot correct (plus neutre) est « opinion ». J’ai tout le droit d’avoir mon opinion sur le fait que mon frère soit gay, mon mec mate des films en se caressant, ou que ma femme couche avec quelqu’un d’autre. Et ces gens ont le droit d’ignorer mon opinion. Si ce qu’ils font me gêne vraiment, j’ai le droit de changer les termes de ma relation avec eux.

    A propos, hier même j’ai lu en beau article qui touche à ces points et développe aussi les concepts de « consensus » et « droit de regard » (« entitlement » en Anglais).
    https://nonmonogamie.wordpress.com/2016/09/08/le-droit-de-regard-la-potestat-pere-picornell-amors-plurals/

    Je cite quelques phrases :

    « Faire quelque chose par « consensus » signifie que l’on est arrivé à un accord et que, par conséquent, les parties impliquées l’acceptent. Il est possible d’arriver à un « consensus » sur des points sur lesquels toutes les parties ont un droit de regard. Par exemple : si en prenant un café avec notre voisin, il nous explique qu’il veut peindre sa chambre en vert, on ne peut pas lui demander un « consensus » sur la couleur qu’il va choisir. On n’a aucun droit de regard sur cet aspect, donc il n’y a pas de consensus, ni de raison pour qu’il y en ait un. S’il nous passait par la tête l’idée de lui demander ce consensus, il serait normal qu’il nous envoie balader et qu’il décide de faire ce qui lui chante avec sa chambre. De plus notre demande de consensus impliquerait implicitement que nous considérons avoir un pouvoir de décision sur les couleurs des murs de sa chambre. Si on considère que ce pouvoir n’est pas éthique, essayer de l’exercer serait une agression. Imaginons que deux fois par semaine, nous dormons dans la chambre de ce voisin. Cela nous donnerait-il un pouvoir sur sa décision ? Ma réponse est non, mais en même temps, nous avons absolument le droit d’exprimer notre opinion, d’établir nos limites et au final, de faire des propositions. »

    • (je ne suis pas d’accord sur le fait qu’aller coucher ailleurs change le format de la relation entre deux personnes / ma preuve à moi, c’est que si l’autre n’en sait rien, la relation ne change souvent pas de format et reste satisfaisante / et que donc l’engagement d’exclusivité n’est pas la bonne mesure pour jauger de la transformation ou non de la relation, ça doit se juger de l’intérieur, de ce que je peux vivre et ressentir avec la personne avec qui je vis, pas ce que j’imagine ou ce que je crois qu’elle vit avec quelqu’un d’autre — mais je sais que je suis un extra-terrestre sur ce sujet)

      Je retiens une phrase « Si ce qu’ils font me gêne vraiment, j’ai le droit de changer les termes de ma relation avec eux. » C’est à ce niveau qu’intervient la notion de consentement pour la/le conjoint en cas d’adultère : on ne demande pas de consentir à la relation qu’entretiennent les amants, puisqu’elle ne touche pas à sa personne. En revanche, on ne peut pas le/la forcer non plus à continuer à vivre avec quelqu’un qui a rompu un engagement d’exclusivité (quand bien même on récuse sa légitimité) parce que la douleur est potentiellement bien réelle et le/la touche directement, pour le coup.

      Mais il faut bien comprendre que la douleur intervient dans le fait de savoir. Mais quand les amants étaient ensemble à son insu, ça ne faisait pas mal, ça ne touchait pas à sa personne — donc il n’y a pas de question à poser sur son consentement.

      • Audren je te rejoins sur les modifications de relation qui n’interviennent que si l’on sait, par contre j’hésite encore dans ce qui fait le plus souffrir est de tout savoir ou d’imaginer. De mon expérience personnelle, le fait d’imaginer fait durer la souffrance un peu plus longtemps mais a moins l’effet coup de poing alors bon…

    • Bonjour Plural 🙂
      Le fait que je sache que mon frère soit gay ne m’autorise pas, de mon point de vue, à changer les termes de ma relation avec lui. Quelle que soit mon opinion, je n’ai pas à approuver ou à désapprouver une histoire qui ne me concerne pas du tout.
      Dans le cas de la vie sexuelle du ou de la partenaire, je pense que deux cas se présentent : il y a eu un engagement précis explicite pour restreindre la sexualité, et dans ce cas, le droit de regard s’applique, c’est aussi le cas des moines qui ont fait voeu de chasteté, on est dans le contexte moral classique avec toutes les frustrations qui en découlent. Ou bien il n’y a pas eu d’engagement de cette sorte, ou il n’a pas été rendu explicite. Dans ce cas, il n’y a aucun droit de regard qui tienne, à mon avis.

  3. C’est vrai, la douleur intervient seulement dans le fait de savoir (ou d’imaginer). Mais selon ta logique :

    – J’ai le droit de te vendre une peinture fausse en te disant qu’elle est originale, si les deux vont également bien dans ton salon ;

    – J’ai le droit de te vendre une chemise 100% viscose labélisée 100% soie, si tu trouves les deux également confortables et belles ;

    – J’ai le droit de te voler ton portefeuille si tu es convaincu que tu l’as perdu ailleurs ;

    – J’ai le droit de raconter à quelqu’un d’autre les secrets intimes que tu m’as dit en toute confidence, suffit que tu ne sois jamais au courant ;

    – J’ai le droit de plagiariser ton blog si ni toi ni mes lecteurs ne se rendent jamais compte…

    Une relation (d’amour, d’amitié, commerciale, entre auteur-lecteur/lectrice) est une co-construction entre deux personnes, et les deux ont le droit de savoir la nature de cette construction pour pouvoir consentir ou non à participer. Donc même si pour moi l’exclusivité n’est pas un pilier nécessaire (ou souhaitable) pour la construction d’une relation d’amour, si c’est fondamental pour mon copain/copine je n’ai pas le droit de l’enlever sans leur consentement. Également, il/elle n’a pas le droit de m’imposer une relation basée sur l’exclusivité si pour moi l’ouverture est un pilier fondamental. Pour co-construire, il faut se mettre d’accord sur les fondations…

    • Je n’ai pas dit qu’on a le droit : je dis juste qu’il ne s’agit pas d’une question de consentement, au sens du consentement qu’on doit solliciter quand on touche à ma personne. Les exemples que tu cites sont des questions de droit commercial et traitent d’objets, pas de personnes. Je peux d’ailleurs retourner ce genre d’exemple sur la ‘nature de la construction’ en disant que quelqu’un qui s’attendait à épouser quelqu’un qui est vierge a le droit de savoir si ce n’est pas le cas et de considérer être victime de tromperie (sur la ‘marchandise’, comme pour la chemise en viscose) ? Ces sujets sont complexes et il est vraiment important de démêler ce qui est de mon corps et de ma personne et ce qui n’en est pas. Tes exemples justement remélangent beaucoup de choses qui n’ont rien à voir avec le ‘consentement’ strict. C’est tout ce que je veux dire.

      • Mes exemples servaient simplement à illustrer le point que la nature d’une relation (et donc le consentement à y participer) ne dépend pas de savoir ou pas savoir. Ils étaient en réponse à ton argument de que « quand les amants étaient ensemble à son insu […] ça ne touchait pas à sa personne — donc il n’y a pas de question à poser sur son consentement ». Le quatrième exemple n’est pas de nature commerciale/ne traite pas des objets.
        Je ne pense pas que ce qui concerne mon corps soit de la même nature de ce qui concerne ma-personne-mais-pas-mon-corps ou de ce qui concerne ma propriété. Mais je pense que le concept de consentement s’applique dans tous ces cas.

  4. J’aime bcp votre blog ; mais là je suis sans doute assez cloche, mais je ne suis pas sûr d’avoir tout compris ; bref, je proposerais volontiers d’autres d’acceptations de « consentement » et « d’approbation », toujours en étant dans le champ qui nous occupe (la non exclusivité).

    « Consentir » a pour moi quelques chose de l’ordre de la contrainte : « je consens à ce que tu passes la nuit avec Jules ou Julette, par ce que je sens que cela te fait plaisir (ou pour d’autres raisons plus ou moins avouables : par exemple pour diminuer ma culpabilité latente de ma propre liaison avec Paul ou Paulette); mais au fond de moi je préférais nettement que tu passes la nuit avec moi ».

    « Approuver  » c’est dire « oui » sans restriction, sans marchandage : je dis oui à ta nuit avec Jules par ce que c’est important pour toi, que Jules est un type bien, et que nous sommes clairement engagés dans la non-exclusivité (c’est donc aussi, finalement, important et bénéfique pour nous deux, et le dindon de la farce est peut-être Jules) « .

    C’est ce qui rend pour moi si difficile la non exclusivité : quand elle n’est pas établie d’emblée, elle apparaît un concept bien commode pour faire reconnaître/admettre/consentir à une liaison. On sort du chapeau cette idée si séduisante pour faire avaler la pilule. « Pas de mouron ma belle, je ne te quitterai jamais, Julette est craquante, je l’aime pour de vrai mais mon coeur est grand ! tu es l’unique, l’épouse, la mère des enfants, consens simplement à cet écart, qui ne sera sans doute vraisemblablement pas le dernier ».

    Mais faire accepter la non-exclusivité, est autre paire de manches…

    • l’article sert non pas à soulever des nuances linguistiques (et effectivement le terme ‘consentement’ est neutre voire passif par rapport à ‘approbation’) mais des nuances quasi-juridiques : le consentement, c’est ce qu’on doit me demander avant de toucher directement ma personne et mon corps. C’est la définition restreinte qu’on considère dans les question d’éthique médicale et sexuelle, en particulier. Et donc je propose d’utiliser un autre terme que consentement quand on demande l’avis de quelqu’un d’autre que la personne directement concernée dans sa vie et dans son corps. Pour bien faire la différence. Car il ne doit y avoir qu’une seule personne à qui reviennent les décisions en ce qui concerne la libre disposition de mon corps : moi.

  5. La question est finalement moins linguistique que dogmatique.

    Entre autoriser quelqu’un à « y aller », et le laisser « y aller » à sa guise. Entre la vraie liberté mutuellement confiante, et une liberté limitée (qui ne devrait l’être que pour des raisons de planning ou d’intendance collective, ou alors par choix personnel en fonction de ses propres convictions vis à vis de l’autre, et pas par une demande expresse).

    « Laisser libre » ou « autoriser » : quels sont les substantifs de ces expressions ? « Constatation » et « permission » ?

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