Le petit glossaire de la crémière

Tirons au clair quelques-uns des termes qui reviennent souvent dans ces pages. Attention, c’est très scolaire. Et ça n’engage que moi.

naked girls reading a book (ink drawing)

Le petit glossaire de la crémière (ref. photo (c) miracless sur deviantart)

Avertissement : les définitions ci-dessous n’ont aucune vocation normalisatrice en-dehors de ce blog. C’est juste comme ça que je le sens. Corrigez-moi dans les commentaires si je fais des contre-sens manifestes ou si je heurte quelqu’un. Notez que ce découpage reste simpliste et qu’il y a beaucoup de place entre les cases, sans parler de toutes les possibilités de panachage.

Le couple exclusif

Couple exclusif : couple au sein duquel chacun n’est censé ressentir d’amour ou de désir qu’au sein du couple. L’idéal d’exclusivité peut être dirigé vers soi-même (je ne me vois pas aller voir ailleurs tellement je suis amoureuse), ou bien dirigé vers l’autre (je souffrirais de savoir que je ne suis pas tout pour elle) ; souvent c’est un peu des deux. L’exclusivité peut être déclinée en exclusivité sexuelle (pas de plaisir dans les bras de quelqu’un d’autre) ou exclusivité affective (pas de sentiments ambigus pour quelqu’un d’autre).

On qualifie souvent les couples sexuellement exclusifs de « monogames ». C’est un abus de langage puisque la monogamie ou la polygamie s’applique à des personnes, pas à des couples. Et puis en fait, seule une infime minorité des personnes n’a connu qu’un seul partenaire sexuel dans sa vie. L’immense majorité est monogame par périodes, c’est à dire polygame dans le temps.

Le couple libertin

Sont libertins les couples qui abandonnent tout ou partie de l’impératif d’exclusivité sexuelle pour pouvoir vivre leur sexualité en groupe : exhibitionnisme, voyeurisme, mélangisme, plans à 3 (bi ou non-bi), échangisme, candaulisme, etc. En règle générale, les libertins conservent l’idéal d’exclusivité affective et parfois on évite même de revoir une personne quand le courant passe « trop bien » avec l’un ou l’autre. Certains permettent à l’autre d’aller libertiner seul(e), en club, en soirée ou chez un(e) amant(e), mais ce n’est pas la majorité : en général, Monsieur et Madame gardent un oeil l’un sur l’autre.

Le couple ouvert

Un couple ouvert (qui pour moi est la traduction exacte de ‘open relationship’) est un couple qui ne s’impose pas l’exclusivité sexuelle mais qui en revanche préfère mettre des gardes-fous concernant les sentiments : pas de relations extra-conjugales suivies, pas d’amour en-dehors du couple. La distinction d’avec les libertins, c’est qu’en général, ils préfèrent vivre leur liberté sexuelle chacun de son côté, avec différents arrangements en termes de transparence : il y a ceux qui se racontent tout, y compris les détails croustillants (ceux-là sont les plus proches des libertins), certains se disent juste avec qui (histoire de ne pas avoir l’air d’un con quand on croise l’amant à la kermesse de l’école), certains ne disent ni ne demandent rien (pour se ménager un réel espace privé, et peut-être un peu pour éviter de trop réveiller la jalousie).

Le couple libre

Quant au couple libre, c’est un couple dans lequel chacun est libre (le Marquis de la Palisse n’aurait pas dit mieux). On ne s’impose ni l’exclusivité sexuelle, ni l’exclusivité affective. Chacun s’engage pour un projet commun (sans ça, ce n’est pas un couple, c’est juste deux amoureux) qu’on rediscute en permanence et que chacun s’efforce de ne pas trahir. On ne se promet rien d’impossible et dès que l’un ou l’autre sent qu’il risque de faire une entorse au projet, on en parle. En-dehors de ce projet commun, chacun vit sa vie comme il l’entend. Le projet peut concerner une part plus ou moins grande de la vie de chacun (amour, sexe, enfants, temps, argent, maison, travail, amis, sorties, famille, etc.) – chaque couple est libre de définir le projet à loisir. Puisqu’il n’y a plus d’exclusivité sexuelle ni affective, l’un peut être polyamoureux tandis que l’autre est monogame, les deux peuvent aussi être libertins, les possibilités sont vastes comme la liberté.

Et le polyamour

Le terme polyamoureux désigne ceux qui aiment (ou du moins s’autorisent à aimer) plusieurs personnes à la fois. (Note: Françoise Simpère emploie le terme « Lutin(e) » probablement pour éviter le « sérieux » associé au mot polyamour : en effet, on peut se sentir bien auprès de quelqu’un sans avoir envie forcément d’appeler ça de l’amour, et en fait on s’en fout un peu).

Avec le polyamour, on sort de la notion traditionnelle de couple, dans la mesure où il n’y a aucune raison de considérer une hiérarchie entre les différentes relations qui se nouent. Il s’agit d’une organisation amoureuse très ouverte, où les projets des uns avec les autres donnent lieu à des discussions croisées très denses pour tâcher de répondre aux besoins, aux envies, aux peurs de chacun sans imposer à quiconque un schéma tout fait. D’une certaines manière, j’envisage les relations polyamoureuses comme des entrelacs de couples libres. Souvent, les relations polyamoureuses se conçoivent d’emblée comme flexibles et changeantes, sans vouloir figer une situation « jusqu’à ce que la mort nous sépare », et je trouve cela fort sage.

And ze ouinneur iz…

Quoi qu’il arrive, quel que soit l’enrobage idéaliste dont chacun pare son idée du couple, je suis persuadé qu’aucune n’est simple, aucune n’est magique, aucune n’est stable, aucune n’est mauvaise, et aucune ne convient à tout le monde.

Et donc n’allez pas croire tout ce que je raconte dans ce blog : il est encore un brin trop enthousiaste pour être totalement vrai.

24 réponses à “Le petit glossaire de la crémière

  1. Bonjour,

    Bonjour Audren,

    Parmi les variantes autour de ces relations non conventionnelles, il y a aussi la polyfidélité, popularisée (si on peut dire, vu la confidentialité du sujet…) par F. Simpère. La polyfidélité, ou fidélité plurielle, implique une idée de durée relationnelle sans forcément passer par le terme « amour », ni « couple ».

    Oui, parce que contrairement à la petite note que vous mettez entre parenthèse, je ne crois pas qu’on « s’en foute un peu » qu’il s’agisse d’amour ou pas. Je crois même que l’emploi ou non de ce terme change énormément de choses. Parce que l’amour, consciemment ou pas, est paré de tout un imaginaire et de représentations déclenchant des automatismes : quand on s’aime, alors on doit faire ceci et être comme cela (sous entendu : sinon ce n’est pas de l’amour).

    Pour ma part j’utilise volontiers le néologisme de « Libraimant(e) », qui associe la notion de liberté relationnelle à la sonorité « aimant », suffisamment polysémique pour ne pas être enfermante. Et là, oui, on s’en fout de savoir si c’est ami et/ou amant…

    Curieusement certains mots dont le sens paraît « évident » sont finalement peu clairs parce que chacun leur donne un sens personnel. Et je constate que ça suscite finalement pas mal d’incompréhensions. Il me semble que « amour » et « couple » font partie de ceux-là…

    • Merci. Je pense que je vais rajouter polyfidélité (surtout qu’il y a aussi une variante de polyfidélité qui recouvre un peu autre chose). D’accord avec votre remarque sur « l’amour » et « le couple » (mais justement, c’était pour ça que je disais qu’on s’en fout un peu, histoire d’arrêter de vouloir mettre une couche de romantisme conventionnel sur chaque relation).

  2. Je vous réponds ici pour faire suite a votre commentaire sur le boudoir…
    Votre inquiétude face aux situations de vos amantes est louable, est-il que personnellement jusqu’à ce jour, je ne connais aucun couple libre originel, pour l’un des couples libres qui m’est proche, c’est en découvrant l’infidélité de l’un et de l’autre qu’ils sont venus à réfléchir sur leur couple, puis à redéfinir leur couple autrement.

    De ce que je lis çà et là, c’est plus au moins en passant par la case infidélité de l’un ou des deux partenaires que les couples arrivent à envisager une relation non-exclusive. Il se pourrait donc pour vos amantes qu’après la crise de la découverte (qui est compréhensible à mon sens, lorsqu’on se fait une promesse et qu’on se s’y tient pas, c’est normal de se sentir trahi) le couple peut choisir de tendre vers une autre approche du couple. Après si ce n’est pas le cas, bah, l’infidèle c’est fort bien le risque qu’il en court…

    Et sinon vous, comment êtes-vous arrivez à concevoir votre couple autrement que sous une forme exclusive? [réponse dans le billet de mercredi? :)]

    Je connaissais pas la polyfidélité, j’aimerais même en savoir plus. Un lien à suivre? 😉

    Vellini.

  3. Il y a des couples qui se construisent libres. Mais je crois qu’ils sont effectivement minoritaires. Ne serait-ce que parce qu’au début, cette liberté reste probablement théorique : on est trop occupé l’un avec l’autre pour se préoccuper d’un ailleurs. Et donc le couple se libère en trébuchant. Mais beaucoup se cassent la figure, y compris des couples qui auraient pu se rattraper -des fois, il suffit de rater un virage et tout tourne au vinaigre sans retour en arrière possible.

    La non-exclusivité était en germe dans notre couple. La levée de dormance est racontée dans le billet d’aujourd’hui.

    Pour la polyfidélité, il faut que j’aille me documenter avant de raconter des bêtises. Je tâcherai de mettre un lien dans le complément d’article.

  4. Je note que vos définitions parlent de couple, sauf la dernière (polyamoureux) qui concerne un individu.
    Et les ménages à trois, alors ?
    Je pense qu’il serait plus universel de définir l’individu :
    – comment il conçoit sa sexualité
    – comment il conçoit la sexualité de son/ses partenaire(s)
    et après, de s’amuser à faire un peu de combinatoire : une libertine avec un ouvert, une libre avec un exclusif, une poly-amoureuse avec un poly-fidèle, etc ^^

    • Tu peux noter que justement, il y a une évolution dans le glossaire : ça part d’un couple parce que c’est de là que je viens, et que c’est le moule standard dans lequel chacun imagine qu’il doit se fondre (d’ailleurs on dit bien un couple fusionnel). Et petit à petit, l’individu embrasse l’idée qu’il puisse avoir sa propre histoire, qu’il n’a pas à s’effacer devant la « personne morale » qu’on appelle le couple, le foyer ou le mariage. Ce cheminement peut se faire en vrai, dans un couple, ou bien dans la tête de chacun, jusqu’à faire exploser l’idée de couple, à partir de laquelle toutes sortes de joyeux arrangement sont possibles.

  5. Cher audren, ce qui peut éventuellement surprendre dans votre définition du couple libre, c’est : qu’est-ce qui vous lie tous les deux? Je veux dire si on ne tient pas compte des enfants, des corvées, de la famille et de la belle famille ? Qu’est-ce qui fait que malgré tout le couple libre continue de vivre sous le même toit ? J’aimerais savoir ce qu’ils partagent ensemble et EXCLUSIVEMENT . Car un lecteur novice peut simplement se demander pourquoi vous choisissez malgre tout de vivre sous le même toit…
    Cela peut-être tout simplement parce qu’au début de son histoire, le couple a été « classique « : fusionnel, passionné, etc…. C’est humain. Je me demande même si ce n’est pas inscrit en nous profondément . Ensuite il parait que la passion ne dure en moyenne que 18 mois: c’est paraît il chimique et humain. Durant ce laps de temps, dur de ne pas etre entierement dedié a l’autre.Peut-être que le couple libre, fort d’une belle complicité , analyse cela mais pas comme la fin de son histoire : c’est l’erreur que peuvent commettre certains, se séparer pour cause de désamour, alors qu’ils n’y sont jamais parvenus, puisque l’amour, s’il y en a , succède a la passion.
    Oui, il existe des accros a « l’enamourement  » (terme utilisé par Francesco Alberoni, sociologue des mecanismes amoureux )et a la passion des débuts, si grisante qu’il leur faut leur shoot d’adrénaline et d’endorphines.
    Mais c’est un autre sujet….
    En bref, que partage ensemble et a deux, un couple libre?

  6. Bonjour,
    Je site votre site assez………INTENSE!
    franchement, vous êtes un sordide génie, aussi intelligent que magnifique.

    Surtout n’écoutez pas les allumés extrémistes de toutes sortes, qui veulent vous décourager. Tant pis pour eux.

    Ma question cependant: comment faites-vous pour ne pas vous demander parfois, si vous n’êtes pas le mec « secondaire », si elle ne prend pas plus son pied avec l’autre, et si ….bref, l’autre est-il si beau qu’on se l’imagine ??

    Cheers
    DLW

    • Je ne suis pas le mec secondaire parce que c’est évident tous les jours. Et à la rigueur, même si je l’étais, ça changerait mes priorités amoureuses mais pas ce que je ressens pour elle.

    • Et le mieux pour cette histoire de « mec secondaire », c’est de ne pas se poser ce genre de questions. On s’en fout, non ? Ce qui compte, c’est ce qu’on échange et qu’on se prouve quand on est ensemble.

      A part ça, audren me manque. Je commençais déjà à m’habituer.

      • Merci du gentil mot.
        Je suis toujours bien là mais je n’ai (temporairement) plus le temps d’écrire. En attendant, je lis et je vis. Ça fera d’autant plus de trucs à dire quand je retrouverai mon rythme d’avant, vers janvier.

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  10. Je découvre votre site… très intéressant. J’y reviendrai, mais comme j’ai lu que vous êtes sensible à l’orthographe, autant pour le couple exclusif écrire qu’il est « censé » ressentir… plutôt que « sensé » ! Dans ce domaine, est-on jamais vraiment « sensé », même dans un couple exclusif ? 🙂

      • Non, effectivement, ce n’est pas bien grave. Il faut juste écrire « couple au sein duquel chacun n’est censé ressentir d’amour » avec un c à censé, et non « couple au sein duquel chacun n’est sensé ressentir d’amour » sans c à sensé. Quelqu’un est « sensé » quand il agit avec du bon sens. Mais quand on est censé faire quelque chose, c’est avec c ! J’espère être un peu plus clair comme ça, mais tout cela n’a pas d’importance de toute façon (et si je vous dis « sensible à l’orthographe », c’est parce que vous demandez quelque part que les gens fassent un peu d’effort orthographique quand ils font un commentaire, ce que je comprends fort bien). 😀

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  12. « Couple exclusif : couple au sein duquel chacun n’est censé ressentir d’amour ou de désir qu’au sein du couple. »

    Ah. Non, en fait.
    Couple fidèle, monogamie, exclusivité : cela signifie qu’ils réservent leur intimité pour une seule et même personne, même s’ils ressentent de l’amour ou du désir, à un moment, pour d’autres personnes.
    Je crois donc que vous faites une erreur sur la définition et même sur la compréhension de l’exclusivité.

    • J’aimerais bien vois comment ça se passe, dans un couple exclusif, si Monsieur déclare à Madame : « je fantasme complètement sur ta nouvelle collègue ; je pense à elle en m’endormant et même quand on fait l’amour » ; et si Madame avoue à Monsieur « je crois que je suis carrément amoureuse de mon moniteur de kitesurf – dès que je le vois, j’ai des papillons dans le ventre comme à nos débuts » — « mais bien entendu, mon/ma chéri-e, je réserve mon intimité pour toi, puisque c’est ça qu’on s’est promis ». Si la réponse est un grand sourire bienveillant, alors je suis d’accord avec votre définition.

    • (la nuance de ma définition étant dans le « nul n’est censé »– évidemment que chacun ressent des choses pour d’autres personnes, mais dans le secret voire le déni, et qu’un aveu mettrait le partenaire dans une situation de grande insécurité)

      • Quelle mauvaise foi dans ta réponse, Audren ! La définition d’Armel est très pertinente et il ne faut pas mélanger l’exclusivité, d’une part, et l’exigence de transparence d’autre part.

      • Mais non, je dis ‘nul n’est censé’ car c’est bien à mon sens ce qui traduit la posture de la quasi totalité des couples exclusifs : on fait comme si la question des attirances extérieures était définitivement réglée par l’engagement qu’on a pris et surtout on n’aborde pas la question, puisque simplement évoquer qu’on puisse désirer ailleurs est déjà une entorse à l’idéal de départ. La définition d’Armel, je l’appelle de mes voeux : quand l’exclusivité sera un engagement vraiment explicite et assumé, on aura déjà fait un sacré chemin.

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