Masturbation : l’asymétrie révélatrice

Un homme qui se branle est un gros sale. Une fille qui se caresse est attendrissante. Cherchez l’erreur.

jolies fesses d'homme allongé - dessin numérique au crayon

Un joli plaisir qui ne demande rien à personne…

Commençons par un peu de vécu. Alors que je m’adonnais clandestinement à quelque visionnage sensuel (et néanmoins coutumier) dans la solitude d’un après-midi d’été, la porte s’ouvre avec empressement et ma femme qui avait oublié un truc à la maison me surprend dans une situation … embarrassante. Pour moi l’indignité, pour elle l’indignation.

J’ai mis du temps à digérer cette honte subite qui m’a laissé muet, livide et tremblant. Une honte qui se nourrissait du malaise accumulé depuis l’adolescence à m’envisager comme un gros sale quand je me donnais du plaisir – probablement pas très loin de la honte de l’alcoolique surpris à récidiver.

Une asymétrie récente

En fait, c’est en imaginant les rôles inversés que j’ai fini par définitivement me décomplexer. Mais élargissons la question.

Il fut un temps où les pratiques autonomes étaient aussi sévèrement condamnées dans les couvents que dans les lycées. Maintenant, les choses ont bien changé. Mais pas de manière égalitaire. Je crois que sur ce sujet, certes microscopique par rapport à la montagne de sexisme qui reste encore à déplacer, la libération sexuelle a surtout profité aux femmes. A tel point que j’ai l’impression qu’aujourd’hui la masturbation est (dans nos références culturelles implicites)

  • tolérée chez les mecs (genre « ok si tu peux pas t’en passer, mais fais ça discrètement et pas trop souvent, et ça serait quand même moins minable si tu pouvais te trouver une nana »)
  • mais encouragée chez les filles (genre « c’est bien, tu découvres ton corps, tu t’ouvres à la volupté, ton plaisir est à toi, d’ailleurs tu vois que tu n’as pas besoin d’un garçon pour te donner un orgasme, et donc si tu le fais avec un garçon, c’est par choix »)

Sur l’internet pour adultes, cette asymétrie se trouve renforcée par une asymétrie de l’imagerie : on trouve des wagons de photos bien léchées de jolies filles en train de se caresser sur des sites soignés ; mais jusqu’à récemment, pour voir des mecs le sexe à la main en solo, c’était le plus souvent dans des prises de vues gay amateur sur des sites glauques. Certes, cette différence tient surtout au fait que les femmes regardent moins de porno que les hommes ; il ne faut pas forcément y voir le signe d’un jugement de valeur collectif. Mais mine de rien, ça participe à dévaloriser l’image de la masturbation masculine. Le tout renforcé par le poids linguistique d’expressions bien vulgaires à base de poireaux ou d’asperges, voire carrément dévalorisantes comme « mort de faim », « queutard », « misère sexuelle ». Au final, on brosse un portrait répugnant de ce qui devrait être comme pour les femmes : un joli plaisir qui ne demande rien à personne.

Epilogue heureux

Heureusement les temps changent et les femmes viennent à notre secours. J’ai trouvé chez Violet Blue mention d’une équipe australienne féminine qui publie de très belles vidéos de beaux hommes dans le feu de l’action solo : Gentleman Handling. Je pense qu’il faut tous aller y faire un tour : les filles pour se rincer l’oeil ; et les mecs pour enfin comprendre qu’un homme qui se caresse n’est pas moins beau qu’une femme qui se fait jouir.

(ce qui n’empêche pas de fermer la porte)

24 réponses à “Masturbation : l’asymétrie révélatrice

  1. Ce qui est étonnant c’est que les filles parlent peu entre elles de leur plaisir solitaire (les plus jeunes le font plus volontiers) alors que j’ai souvenir de conversation de garçons en parlant ouvertement et même pratiquant souvent à plusieurs . c’est ce que j’aime le plus dans la masturbation, la pratiquer en présence d’une autre personne. et un homme qui le fait devant moi me fait un très beau cadeau . je file voir 🙂

    • Pour ce que j’en ai entendu, les conversations de cul des mecs se complaisent dans le graveleux en faisant semblant d’assumer faussement l’image du gros sale. Il n’est nulle part question de plaisir ni de sensations.

      • Pour ce que j’en ai entendu, les conversations de cul des mecs ne se complaisent pas dans du graveleux! ou alors nous ne fréquentons pas le même genre d’hommes. Ils parlent souvent de sensations et très bien même.
        Vous devriez faire la paix avec les hommes, non?

      • C’était il y a plus de 20 ans. Les mecs en question avaient à peine 15 ans (et moi 13). Et c’était vraiment caricatural. Mais je veux bien croire qu’on n’est pas tous pareils. Et que sortis des vestiaires heureusement nous devenons fréquentables.

  2. Je trouve cela beau un homme qui se masturbe et j’aime le voir. D’ailleurs souvent je demande à mes partenaires de ne montrer comment ils font, cela m’aide à comprendre quelles sont les caresses qu’ils affectionnent le plus et de voir aussi comment ils prennent leur plaisir. J’aime aussi me caresser en même temps que masturber un homme ou inversement, le faire ensemble, à côté. Il y a de l’excitation et c’est très agréable à regarder. C’est un joli cadeau comme le dit Dita. Et merci pour le lien, je vais me rincer les deux yeux 😉

  3. Je suis partagee..
    Je suis d accord que ces pensees sont repandues et vehiculees par la presse feminine..
    Pourtant dans mon entourage je ne lai pas vecu comme ca. Depuis ladolescence je me confie plus facilement aux personnes masculines que feminines.
    Je ne me souviens pas etre attendrissante parce que je suis une branleuse!
    Simplement on se comprenait.

    La masturbation cest avant d etre beau, d etre sale.. La reponse a un besoin ni plus ni moins. Plus rapide avec du porno.

    Mais je finis par comprendre que je ne suis pas une.fifille papillons roses. je nai pas besoin de l emballage pour vivre. 🙂 Ou jai pas le meme cerveau… 😀

    • Plus il y aura de filles qui clameront que l’emballage rose papillon-licorne-bisounours ne leur correspond pas, et mieux le monde se portera. En tout cas c’est mon avis.

  4. Intéressant article. Le premier que je lis sur ce blog. Les dessins sont magnifiques. Bravo. Les femmes que vous dessinez me font un petit pincement de cœur tant elle sont l’air heureuses, simples et saines dans leur plaisir.

    Bref … pour en revenir au sujet du billet, il me semble que se caresser procède d’un autre mouvement du désir que celui de faire l’amour. Celui d’assumer sa propre sexualité, à soi entièrement. Il est sans doute dificile de faire comprendre cela à sa moitié. Cela peut être interprété comme de l’égoïsme ou un délaissement, voire vécu comme un échec (elle pense : je ne suis pas assez attirante pour mon homme). Délicat.

    Or ne pas faire la différence entre ces deux désirs peut entraîner un harcèlement de sa/ses partenaire(s) là où faire l’amour quand on en a vraiment envie à deux est beaucoup plus harmonieux.

    J’ai pour ma part dissipé ma honte également parce que j’ai besoin régulier de le faire (depuis mon adolescence).

    Ma femme l’accepte bien maintenant mais pour le plaisir de me faire plaisir. J’avoue que le commentaire de Marion m’émeut beaucoup. Quelqu’un qui me trouverais beau en me regardant dans ces instants ? Elle m’accepterais vraiment entièrement. J’aurais vraiment joui très fort sous un tel regard aimant.

    Vos amants ont une très grande chance Marion.

    • Merci pour les compliments.
      Je vous rassure, ma femme l’accepte aussi parfaitement bien (ce qui ne ressort pas forcément dans l’article). L’indignation mentionnée était à l’égard du fait que je n’avais pas fermé la porte, pas de ce que je faisais derrière…

  5. J’ai toujours trouvé la masturbation masculine très belle. Je n’ai jamais pensé que c’était sale ou quoi que ce soit d’autre.
    J’aime voir mes amoureux se faire plaisir. Je regarde avec un mélange de curiosité pour apprendre ce qui leur fait plaisir mais aussi avec beaucoup d’excitation…rien de mieux pour simuler mon désir et enrichir mon monde érotique !
    Je vois mes propres explorations de cette manière également, et comme une découverte sans fin de mon corps, enrichie par le partage.
    Je suis passée par une phase de « Est-ce que c’est normal? », mais très courte car j’ai vite compris que la « normalité » c’était surtout de se sentir à l’aise et comblé-e-s. Etre à l’aise avec les corps, avec leur formes, leurs fluides…c’est ce qu’il y a de plus épanouissant au monde.
    Au passage, beau blog. Intéressant et bien illustré 😉

    • Je crois que le regard social négatif sur la masturbation masculine ne vient pas tant des femmes que des hommes — l’emprise du patriarcat d’obédience judéo-chrétienne, associée à une forme de machisme qui veut que tu sois un loser si tu ne possèdes pas une femme et que tu sois aussi un loser si tu possèdes une femme mais que tu ne préfères pas l’utiliser comme sex-toy.
      J’ai lu ce genre de jugement, à peine édulcoré, dans des conseils sexo sur la masturbation, où il était fait un distinguo entre les hommes célibataires et les hommes en couple ; genre, les premiers, faites-vous plaisir autant que vous avez besoin en attendant de trouver quelqu’un — les seconds, une fois de temps en temps c’est normal, sinon posez-vous des questions quant à votre vie sexuelle de couple.

      Et merci pour le compliment.

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  8. Heu « encouragée chez les filles »???

    Bien sur que non, chez les garçons c’était normal, chez les filles c’était catastrophique, psy, honteux, grave, punition. On a encore un grand nombre de parents qui viennent chercher des solutions pour que leur(s) fille(s) arrête(nt) (quand ils ont la chance d’avoir une fille qui a osé).

    A un moment, il ne faut plus confondre porno et réalité avec parents qui ont un balai dans le c…

    De plus, prendre le porno en référence est souvent très mauvais pour la femme car le nombre de mecs qui pensent que s’ils font comme dans le film, la fille aura bon est impressionnant. Une bonne fois pour toutes: les filles s’emmerdent quand elle font du porno, elle ne prennent que très rarement leur pied. Le porno « devrait être interdit* » avant tout début de sexualité réelle pour ne pas faire de dégât.

    *soumis à l’appréciation parentale

    A force de fréquenter des gens libérés (ce qui est super), on se rend moins compte que la plupart des femmes ne se sont jamais masturbées et ne le feront jamais (bienséance culturelle à la noix).

    Donc je remets en cause votre postulat de base qui dit que la masturbation est mieux vue chez les filles, quelle que soit l’époque, c’est faux. La masturbation, les garçons y ont/avaient droit et pas nous.

    • Je parlais du message véhiculé « dans nos références culturelles implicites », et en particulier :
      – dans le discours sexo ambiant (magazines féminins, éducation sexuelle, …)
      – dans le discours médiatique (cinéma en particulier, où la quasi-totalité des scènes de masturbation masculine sont là pour un effet comique de grosse honte sur le thème de la misère sexuelle (genre american pie) / les scènes de masturbation féminine sont là soit pour émoustiller le public masculin, soit pour faire passer un message plus profond (genre mulholland drive), mais jamais pour se foutre de la gueule de la fille, la traiter de cochonne ou de mal baisée).

      Evidemment, le message véhiculé par les parents et les pairs a (comme toujours) deux ou trois générations de retard. N’empêche que..

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  10. « Je pense qu’il faut tous aller y faire un tour : les filles pour se rincer l’oeil ; et les mecs pour enfin comprendre qu’un homme qui se caresse n’est pas moins beau qu’une femme qui se fait jouir. »

    c’est quoi cette vision hétéronormée ça m’étonne de ce blog !

  11. J’ai découvert ton blog récemment et je l’aime beaucoup. Les articles sont intéressants et bien écrits (selon moi) et surtout, ils me permettent d’enrichir ma réflexion et proposent des pistes de réponses à des questions qui me semblaient jusqu’ici insolubles. Merci pour ça. 🙂

    Quoi qu’il en soit, je laisse ici mon premier commentaire parce que je ne suis pas spécialement d’accord avec ton article (ce qui ne le rend pour autant pas moins légitime). De mon point de vue (forgé sur l’expérience personnelle, discussions, lectures), c’est plutôt l’inverse… J’ai en effet l’impression que la masturbation masculine est terriblement banalisée et acceptée comme quelque chose de normal et allant de soi et ce dès le plus jeune âge tandis que la masturbation féminine reste un sujet souvent tabou. Certes, les milieux féministes s’insurgent et tentent d’amener les filles à explorer leur corps, à ne pas en avoir honte (il y a même un site américain très explicite consacré à la masturbation féminine avec vidéos explicatives et fiches à l’appui) mais parmi le grand public, de façon général, ça reste un sujet délicat. De nombreuses filles admettent encore avoir découvert leur corps et le plaisir »grâce à » leur(s) copain(s) (je dois admettre que c’est en partie mon cas) et il y a toujours une certaine honte attachée à la masturbation féminine. Comme si le plaisir, surtout pour une femme, ne pouvait se découvrir et se vivre sans l’autre (de préférence un homme). Certes, l’image dégueulasse du pervers qui se branle existe et est véhiculée dans la société mais à mon sens ce n’est pas la seule et elle n’éclipse certainement pas les autres. C’est surtout l’idée qu’un homme a des « besoins », des « désirs » qu’il doit assouvir et je pense qu’encore aujourd’hui, le désir d’un homme est plus acceptable/-é (?) que celui d’une femme.

    Enfin, ce n’est que mon opinion. Peut-être la différence de génération explique-t-elle ce décalage ou simplement d’éducation ou de vécu ? (Je dis ça parce que je ne me retrouve pas du tout dans ton récit lorsque tu dis que tu as été éduqué avec l’idée que les femmes sont des anges et les hommes de gros porcs (je caricature un peu) mais c’est encore une fois très personnel et je ne suis pas un homme donc la perspective est forcément différente). Je m’arrête là parce que tu ne sembles pas aimer les trop longs commentaires, je m’en excuse! (Déformation professionnelle ?)

    • Je parlais surtout de la représentation dans les médias (cinéma, surtout). Effectivement, la représentation dans la société en général n’est pas tout à fait la même.

      • Bonjour, je suis prof dans le secondaire, et mon impression rejoint celle de Charlotte… Les filles sont très embrassées d’avouer se masturber, contrairement aux garçons qui en rient (mais cela masque peut-être une certaine gêne aussi). Certaines n’ont d’ailleurs jamais « osé », parce que c’est trop embarassant/sale/impur/etc. Alors, je tente de dédramatiser 😉

  12. Bonjour,
    J’aime beaucoup votre site et vos dessins, mais cet article m’a fait réagir (comme Charlotte avant moi).
    Mon vécu personnel me dit que la masturbation féminine est un tabou, donc pas du tout pratiqué par les femmes. D’ailleurs cela se voit carrément sur les différences de pratiques : http://static1.terrafemina.com/tfcoimages/fillesplage/o-masturbate-is-great-570.jpg
    Je fais hélas partie des femmes qui ont découvert le sexe à deux, puis seulement après la masturbation (du regret ici…).
    La différence dans le traitement cinématographique peut être interprété complément à l’opposé : on aime faire plaisir au spectateur qu’on suppose homme hétéro, du coup on lui donne des jolies femmes en train de se masturber (si possible des femmes hétéros qui se masturbent en pensant à lui ?). Les hommes en train de se masturber lui servira donc uniquement de blagues entre mecs. Après tout pourquoi les femmes hétéro voudraient voir de beaux hommes se masturber ?
    Je ne peux pas prouver que cette interprétation vaut mieux que la votre, mais elle me paraît cohérente avec ce que j’observe du sexisme par ailleurs. Au pire elle montre que ce fait peut être interprété de façons assez différentes, non ?
    Ensuite le blabla « découvrir son corps » que j’observe plutôt dans les magazines féminins (là j’ai une culture nulle) ou féministes (un peu mieux) découle sans doute des arguments féministes qui veulent rééquilibrer la balance de la masturbation en enlevant le tabou chez les femmes. Deux choses différentes ?
    Désolée les choses sont un peu dans le désordre…

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