Plus de salopes et moins de salauds

Les femmes ne baisent qu’amoureuses – et si c’était culturel ?

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Plus de salopes et moins de salauds ?

Il traîne depuis un moment un mythe sexiste, malheureusement entretenu aussi par des femmes, comme quoi les hommes peuvent mieux dissocier le sexe des sentiments que les femmes. Je ne suis pas une femme mais je conteste cette théorie. Plus exactement, je prétends que s’il est vrai (ce qui reste à établir), le phénomène n’est pas biologique, mais culturel.

Pourquoi les Don Juan, Casanova et autres Valmont étaient obligés d’être de purs salauds et de faire briller l’illusion du grand amour pour que les belles leur tombent dans les bras ? Pourquoi l’attirance physique ne suffisait pas ? Parce que ces dames avaient entièrement conscience qu’elles avaient tout à y perdre socialement si elles se laissaient tenter par cette attirance. Il fallait au séducteur un levier assez puissant pour venir à bout de leur raison et de leur lucidité – rien de tel pour cela qu’une obsession amoureuse suscitée puis savamment attisée. Et tant pis si la conquête du soir se retrouve au matin lâchée en plein élan amoureux, pour que de noires envies de suicide accompagnent la déchéance familiale et sociale. D’où la juste réputation de salauds de ces séducteurs.

Et encore aujourd’hui, je pense que le milieu de culture dans lequel nous avons construit nos identités sexuelles stigmatise tellement la salope que les femmes érigent de hautes barrières inconscientes pour ne surtout pas risquer d’en être une. Une forme de salopophobie latente. Un peu comme tous ces hommes qui prétendent ne pas avoir de problèmes avec l’homosexualité mais qui se félicitent intérieurement d’être 100% hétéros dieu merci pour ce qui les concerne, quitte à étouffer quelques fantasmes de temps en temps.

Et ainsi les barrières sont encore telles qu’il faut un peu de passion pour arriver à les vaincre. Et en plus, grâce au savant travail de lavage de cerveau de la littérature romantique depuis plusieurs siècles, la passion amoureuse sur son piédestal intouchable est un puissant déculpabilisant : impossible d’être une salope puisque je suis folle (de lui).

Je serais prêt à parier que dans une société qui déculpabiliserait les femmes on constaterait que oui, les femmes savent dissocier le plaisir du sexe et les sentiments amoureux, au moins aussi bien que les hommes (ce qui n’oblige pas à considérer l’amant comme un objet). Mesdames les libertines, vous me soutenez ?

Et au final, quand celles qui aiment bien les hommes n’ont pas peur d’être des salopes, ceux qui aiment bien les femmes n’ont pas besoin d’être des salauds.

21 réponses à “Plus de salopes et moins de salauds

  1. Cette analogie entre « salopophobie » et homophobie me parle.
    Il faudrait d’ailleurs trouver un terme moins insultant, « salope » étant un mot très violent, c’est comme si on disait « pédalophobie » au lieu d’homophobie.
    La sexualité libérée chez la femme semble être en effet considérée pour beaucoup comme une « déviance » similaire à l’homosexualité, mais il n’existe pas de terme pour désigner ce comportement, tout au plus des sobriquets péjoratifs touchant à l’identité, pour désigner les femmes qui « sont comme ça », dont « gourgandine » pourrait être un qui sonne le moins mal..
    J’espère que de plus en plus de mecs auront comme vous et moi la bonne idée de faire savoir aux femmes qu’ils admirent les femmes qui assument leur liberté et leurs envies, en toute indépendance, loin de la soumission à des normes comportementales d’un autre âge… Il faut bazarder cet héritage pourri de la domination masculine, cette idée de la femme « respectable » à la libido dictée par le don amoureux, héritage ringard d’un temps qui devrait être révolu, dont je veux parler au passé, quand les mâles exigeaient des femmes qu’elles jouent le rôle de proies difficiles à séduire, pour la gloire de les dompter, et pour monnayer leur complet dévouement contre un diplôme de respectabilité.
    Héritage hélas entretenu par les femmes elles-mêmes, et dont une illustration poignante serait la chanson de Bénabar « je suis de celles », sans doute sa plus belle chanson à mes yeux
    http://www.parolesmania.com/paroles_benabar_8824/paroles_je_suis_de_celles_316922.html

    Par contre je ne comprends pas bien la fin. Pourquoi le fait que les femmes se comportent plus en salopes nous éviteraient de nous conduire en salauds? C’est quoi au juste un salaud?

    • Il faut relire le deuxième paragraphe : c’est quand les femmes sont conditionnées pour ériger des barrières de ‘vertu’ autour de leur désir que les hommes emploient des moyens odieux pour venir à bout des barrières.

      Quant au caractère péjoratif du terme ‘salope’, j’emboîte le pas à la tendance anglo-saxonne qui tente actuellement de neutraliser le terme ‘slut’ (en particulier à travers les slut walks ou le bouquin ethical slut qui revendique le terme slut pour désigner juste un homme ou une femme sexuellement souverain-e) et je pense qu’éviter le péjoratif en consacrant d’autres termes serait une forme de fuite en avant qu’on voit trop dans la surenchère du politiquement correct.

      • ça y est j’ai mieux compris et je vois ce qui me dérange dans votre conclusion. On peut entendre une culpabilisation de la femme au sens où vous dites en substance que si les femmes changent, les hommes pourront changer aussi, que ce sont les femmes qui ont le pouvoir de faire changer les choses, que c’est à elle de faire changer la situation actuelle où les hommes ont « besoin » de se comporter en escrocs et prédateurs sans vergogne, de tromper leur proie pour pouvoir les « consommer » sexuellement. Cela semble responsabiliser la femme et déresponsabiliser l’homme. Je ne crois pas que ce soit ce que vous voulez qu’on entende. Quoi que fassent les femmes, on est bien d’accord que quelqu’un qui trompe délibérément son partenaire en lui faisant miroiter un avenir qu’il ne lui offrira pas est un escroc et ce n’est pas acceptable.

        Ensuite et c’est sans doute ce que vous voulez évoquer, un Casanova n’est pas un salaud s’il n’a rien promis, s’il n’a rien fait miroité d’autre qu’une belle nuit d’amour.
        Les attentes implicites de sa partenaire qui rêve du grand amour n’engagent qu’elle. Il faut sortir effectivement sortir de cette culture qui voudrait qu’un contrat tacite soit signé lorsqu’une femme se donne à un homme, un contrat d’engagement à long terme.
        Une relation vraiment respectueuse passe avant tout par la communication explicite. Tout le reste n’est que fantasme de contes de fées. L’implicite est l’ennemi de l’amour

      • Je ne dis pas que c’est aux femmes de changer. Je dis qu’il faut que la pression culturelle sur la sexualité des femmes change. Cette pression est largement entretenue par les hommes.

  2. Je ne me considère pas comme une saloperie ni comme une salope-au-sens-où-le-Monde-l-entend, plutôt comme une fille facile (dans tous les sens du terme, et je le vois comme une immense qualité), sexuelle et libérée (mais pas libertine pour autant). Je sais très bien dissocier le sexe des sentiments amoureux (plus difficilement des sentiments-tout-court), ça ne m’a pas empêchée de tomber sur des connards.
    Mais je te soutiens quand même ! 🙂
    Et bien que pas grande fan de Bénabar, je suis bien d’accord avec Petit écran de fumée concernant « Je suis de celles ».

  3. Cher Audren, j’aime beaucoup votre phrase de conclusion ! En tant que libertine, je ne puis qu aquiescer …. Il est vrai que « d’offrir  » son corps au plaisir, en dissociant plaisir des sentiments, n’est pas admissible, même en milieu libertin. Je me souviens encore d’un homme qui me disait en club:  » je ne comprends pas que ton mec t’emmène ici, je n’emmènerais jamais ma femme dans un tel endroit « … Même s’il a eu l’honnêté, sans le savoir, de l’exprimer, ce n’était pas une approche tres judicieuse pour me séduire !! Malheureusement, il n’est pas du tout le seul à penser cela, et j’entends souvent des « libertins » (que l’existence de libertines un peu beaucoup « salopes » arrange bien ) dire: « je m’interdis de tomber amoureux d’une libertine « ! Pourquoi ? Parce qu’elle se permet de faire comme toi, elle n’aurait donc pas le droit d’être aimée tandis que toi, si??
    Je crois qu’il faut bcp de courage aux « salopes » pour s’assumer et assumer leurs désirs, mais je dirais même que le pire, c’est quelles subissent davantage l’opprobre de leurs « amies » les femmes que celle des hommes, même s’ils ne la « consomment » pas.
    C’est une bataille du quotidien, et la « salope » s’expose au rejet et aux préjugés où que ce soit et avec qui que ce soit.
    En vérité, la femme libérée doit avant tout se libérer…. D’elle-même ! Lorsqu’elle comprend que nul ne fait son bonheur a part elle même, et c’est mon cas, elle vivra bien mieux ses envies et son statut forcé de « salope » en répondant en toute sérénité : salope, moi? Et alors ??
    Parce quelle aura en tête tout le plaisir quelle souhaite offrir et recevoir, les réprobations des « bien pensants » (bien frustrés aussi) ne représenteront plus que qq petits nuages gris a chasser d’une pichenette dans leur grand ciel bleu plein de perspectives de bonheur …

    • Malheureusement, ces nuages sont parfois bien pesants. Et si la lapidation n’est plus littérale, il y a pour certaines femmes, même ici et aujourd’hui, des lapidations sociales presque aussi odieuses.

      • Merci ! Un grand, grand merci de dire cela. Quand je reviens sur ces années-là, j’ai encore à chaque fois, envie de tuer vingt mille personnes. Les viols, c’était terrible, mais l’opprobre était bien pire. Un désert, un enfer, le silence de milliers de bouche et de regards, le silence de toute une ville pour me dire que je n’avais pas le droit d’exister. Je ne me sentais pas légitime pour comparer cela à la lapidation, vous venez de m’aider à m’y autoriser.

  4. Ps: je ne jette pas la pierre aux « salauds  » car je refuse de croire qu’il y a d’un côté les salauds, de l’autre les gentils ouverts… Parfois il suffit de dialoguer, d’expliquer, c’est ce que je fais, lorsqu’on, me demande pourquoi je fais tant de rencontres coquines. Et lorsqu’on est convaincue soi même, on sait être convaincante . Et surtout, ne soyons pas sectaires, tout le monde a des préjugés sur quelque chose. C’est humain. Sachons nous mêmes être a l’écoute et bien comprendre les préjugés des autres avant de nous emporter, sinon, comment avancer et donner une chance aux autres de nous comprendre ? J’aime discuter afin de comprendre et pousser l’autre (et moi même ) dans ses retranchements . Sans que l’on applique immédiatement et a chaque phrase, la notion de bien et de mal: cela signifierait autrement que l’on n’est pas ouvert soi même ….et que l’on est toujours prisonnier de la morale judeochretienne.

    • La notion de salaud ou salope c’est souvent une attitude mal interprétée, je crois qu’on peut dire « là je trouve ton attitude blessante » ou « écoute mon point de vue maintenant que tu as exprimé le tien ».

      Un préjugé c’est une opinion, mal formée peut-être, révisable et ouverte à la discussion si l’interlocuteur est sincère, qui suis-je pour dire que telle opinion ou croyance est un préjugé? Si j’ai des arguments pour le dépasser je les exprime, mais je peux aussi tomber dans un autre préjugé que mon interlocuteur démontera.

      Bien avec moi et bien avec mon éthique ça n’implique pas que je n’accepte pas de remise en question de ce que je suis et de ce que je crois, ça pourrait même être une des raisons d’aller au-delà du couple fusionnel, en discussions, correspondances, sentiments et plus si affinités.

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  8. Bien d’accord avec toi, j’ai toujours distingué le désir des sentiments amoureux. Même si lorsque j’étais plus jeune (adolescente et jeune adulte), je ne « m’autorisais » pas à vivre des histoires « sans sentiments » (sic, parce que quand même, il peut y en avoir, même s’ils ne sont pas amoureux).

  9. Cela dit, dans notre couple, c’est mon mari qui a besoin de sentiments pour avoir une relation sexuelle et moi qui suis en mesure de n’écouter que mes « envies primaires » 😉

  10. Je te soutiens à fond. Mais c’est loin d’être gagné. Des fois, j’en arrive moi-même à me dire que je suis une « s… » de juste m’amuser

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