Dans nos cultures d’exclusivité, il est de bon ton d’oblitérer les ex de sa mémoire et de son discours. Il est aussi assez courant d’accompagner l’effort d’amnésie d’un lynchage mémoriel, probablement dans l’intention maladroite de valoriser le nouvel amour par comparaison. Moi je préfère largement quand une chérie dit plutôt du bien de ses ex. Raisonnablement.
Même si c’est très répandu dans notre foutu pays de râleurs, dire du mal des autres à la place de dire des gentillesses en direct à la personne qu’on a devant soi est quelque chose d’assez maladroit. Mais ça va plus loin que ça.
C’est çui qu’y dit qu’y est
L’autre raison pour éviter de dire trop de mal de tes ex, surtout si tu dis du mal de tou-te-s tes ex, c’est qu’on peut légitimement se demander si c’est pas plutôt toi le point commun de toutes ces relations qui se sont apparemment si mal finies. Et si toutes tes relations finissent si mal, je n’ai pas tellement envie de prendre le risque d’en commencer une avec toi.
Et même si tu es vraiment sincère et que c’était vraiment une série de conna-rd-sse-s, on peut quand même se demander comment tu as pu te faire avoir à répétition et tomber en amour puis t’engager auprès de personnes si manifestement horribles.
Tes ex sont une partie de ta vie
De la même façon qu’à tes parents, tes frères et sœurs, tes amis, tes boulots, tes voyages, la personne que tu es doit beaucoup à tes ex. Ne pas savoir apprécier ce que ces relations t’ont apporté, c’est une forme d’amnésie volontaire et c’est peut-être un peu dommage.
Au prochain coup, ça sera moi
Il n’y a pas si longtemps, l’ex dont tu te plais à souligner tous les défauts était à ma place. Tu crois me valoriser en me disant à quel point je suis mieux en tout point, mais ça ne me rassure qu’à moitié. Si tu ne sais pas dire du bien des personnes qui ont partagé ta vie, il y a fort à parier qu’à l’issue de notre relation, ça sera sur mon dos que tu casseras ton sucre.
Je suis sûrement extra-terrestre mais ça me plairait au contraire de voir que vous vous retrouvez de temps en temps avec plaisir et une pointe de nostalgie : je me dis que j’ai une chance supplémentaire de rester dans ta vie pour toujours.
N’en fais pas trop quand même
C’est une chose de savoir dire du bien de tes précédentes histoires ; c’en est une autre d’en parler à chacune de nos discussions, dès qu’un mot fait surgir de jolis souvenirs. J’ai beau avoir beaucoup d’empathie et apprécier que tu saches exprimer ta gratitude, j’aimerais être sûr que c’est avec juste toi que je vais partager ma vie et pas avec tout un panthéon.
Et ce dernier paragraphe, en fait, il s’applique directement à moi (flexion brusque du bras droit, bruit des lanières se rabattant par-dessus mon épaule gauche sur mon dos nu et sanguinolent, gémissement du pénitent).
J’ai la chance que ni moi, ni ma femme, ne soyons jaloux de nos ex respectives. Nous considérons que nos ex font partie de ce qui nous définit.
D’ailleurs, ma témoin de mariage était une de mes ex… et son témoin à elle était un des siens… Et on s’entend toujours à merveille avec les unes et les autres…
« J’aimerais être sûr que c’est avec juste toi que je vais partager ma vie et pas avec tout un panthéon »… Il est passé où le polyamour ?
J’aime toujours ceux que j’ai aimés pour de vrai, j’ai des amours qui s’empilent et, comme vous le dites si bien, « tes ex sont une partie de ta vie ». Je ne renierai pas mes belles histoires même si elles ont mal fini. Je garde le meilleur. Mon mec est pareil. Nous avons plusieurs ex parmi nos amis. Et dimanche dernier, j’ai vécu la plus belle des scènes de famille : mes gosses, mon mec, mon ex-amant et moi attablés ensemble pour le repas de midi. Mon mec et mon ex-amant, après n’avoir pas voulu se rencontrer, ont réussi à devenir amis. Pour les enfants, bien sûr, il n’a jamais été qu’un ami.
Il est clair que quand une relation amoureuse s’effondre, il y a responsabilité mutuelle, chacun y est pour quelque chose, qu’il s’agisse d’usure ou d’infidélité, y compris dans le cas où d’entrée de jeu la relation n’avait pas lieu d’être pour cause de trop d’incompatibilités qui par la suite sont devenues autant d’obstacles, même si on a quand même voulu faire comme si, pensant que les sentiments suffiraient arrondir les angles.
Débiner ensuite son ex auprès d’un nouvel amour ou au contraire l’encenser, cela revient au même, pour moi : l’ex est un fantôme de relation qui, s’il est vrai qu’elle/il a pris sa part dans le parcours et l’évolution de chacun, n’en est pas moins un fantôme de relation. Le/la voir revenir trop souvent dans le discours de l’autre est quelque chose que j’ai eu la faiblesse d’accepter chez ma dernière compagne, et que je suis désormais résolu à recadrer énergiquement dans une prochaine relation. Un couple se vit au présent et dans le réel, l’ex n’y a pas sa place.
Moi j’aime mes ex.. c’est eux qui m’aiment pas.. bon, en fait ils ne veulent pas de contact avec moi…Je trouve ça très dommage. Je cherche mes erreurs.
Dans un CV, le plus intéressante chaque boulot antérieur, le mieux il s’est passé, le mieux il s’est terminé, les plus enthousiastes les lettres de recommandation des anciens employeurs, le plus probable qu’on a envie de recruter le(la) candidat(e). C’est la même chose avec les ex.
C’est très beau, ça, une « lettre de recommandation » ^^
Pour moi, il y a deux choses différentes :
– parler de sa vie passée (au cours de laquelle nos ex ont forcément eu une place)
– parler de notre vie amoureuse passée (de préférence « sur demande expresse »).
Hélas, beaucoup de personnes ont tendance à voir de l’amour dans les bons moments vécus en famille ou en couple. On a beau insister sur les circonstances et le fait que ce n’était qu’un « partage », comme on aurait pu en avoir avec n’importe quel ami, rien n’y fait : la jalousie pointe le bout de son nez ! « L’AUTRE » était là : cela suffit à tout gâcher.
Chaque histoire naît un jour s’éteint un autre…
Parmi tous les ex, il y’a ceux qui demeurent des amis (ad vitam aeternam) parce que on est fait pour l’être davantage que de simples amants, que la force du lien transcende les incompatibilités amoureuses. Et puis il y’a les autres, ceux que la passion a consumé, ceux que la réalité (douloureuse et/ou crue) a révélé. Et dont on s’est, pour l’une ou l’autre raison, inexorablement éloigné.
Mais chacun des moments (précieux) qui a forgé l’histoire, nous rend un peu meilleur… Parce qu’il y a eu du beau, du fort et que c’est de cette inestimable sève que le cœur s’irrigue, s’épanouit. Alors surtout ne s’embarrasser d’aucun ressentiment (« Va je ne te hais point! ») ne jamais renier ce qui fût car ce n’est que se renier soi-même ( « On est souvent trompé en amour, souvent blessé et souvent malheureux ; mais on aime… »). Pour autant, ce qui appartient au passé doit y demeurer. S’il ne faut en dire du mal, il ne faut pas davantage en parler à tout va, laisser un fantôme hanter son présent, empiéter sur ce même présent que l’on partage avec son nouvel amour et accorder à celui-ci toute l’attention et la place qui doit être la sienne…
Ce billet fait écho à une ancienne réflexion : j’ai toujours été étonné par l’expression, souvent utilisée par des parents divorcés : « la mère / le père de mes enfants ». Comme si ce n’était plus que ça qui restait.
Or, il m’apparaît qu’on choisit un partenaire non pas « pour faire des enfants » mais par amour (enfin, disons, dans le cas courant).
On est venu vers quelqu’un par amour, on s’est séparé par désamour. C’est donc ce fait primordial qui devrait s’imposer pour désigner la personne non seulement avant la séparation (« ma femme / mon mari / mon amour / etc. ») mais après (« mon ex »), plutôt que ce détail fonctionnel, presque administratif.
Évidemment, ceci est ma théorie. Je crois que, ce qui se passe, c’est que cette séparation reste souvent une douleur, et qu’on recourt donc à une appellation « neutre ».
Je ne crois pas que ça soit lié à notre « culture de l’exclusivité », je vois ça plutôt comme le poids de nos regrets qui s’exprime ainsi.
La où notre culture de l’exclusivité joue certainement, c’est lorsque nos nouveaux partenaires n’aiment pas entendre parler de nos ex (il faut reconnaître que ça n’est pas forcément agréable d’en entendre parler en permanence !).
A vous lire, j’ai un peu l’impression que nous ne vivons pas dans la même réalité. Oui, la plupart des ex sont des personnes avec qui on a partagé de belles choses, et ça vaut la peine de s’en souvenir. Des personnes avec qui, un jour, on s’est choisi/e/s, et ça vaut la peine de respecter ce lien qu’on a créé, de continuer à apprécier une personne qu’on a tant appréciée.
Mais… autour de moi, beaucoup de femmes ont des ex qui ne correspondent pas à ces prémisses. Il est bien légitime de ne pas garder d’estime pour un conjoint violent, qui vous a prise dans ses filets à coups de faux-semblants et vous y a gardée à coup d’emprise psychique (dévalorisation, culpabilisation, manipulations diverses, isolement, surveillance, prises de pouvoir diverses, et bien sûr abus de toutes sortes, viols, coups, humiliations…).
Les « bons moments » du début ne sont même pas de bons souvenirs, car on y retrouve les premiers signes d’abus, ou les dernières occasions qu’on aurait eu de comprendre et de fuir.
Ces femmes (ou pas, mais ce sont très souvent des femmes) seraient en droit de se plaindre de leur ex (souvent d’ailleurs le « père de leurs enfants ») ; certaines le font, et se voient accorder un crédit très limité : elle exagère forcément (surtout qu’elle n’a pas envie de déballer les détails à chaque fois). Non ! Parfois il n’est pas exagéré de rejeter totalement un ex et la relation qu’on a eue avec !
Malheureusement c’est plutôt l’inverse qui se produit : la victime cherchant toujours à « faire la part des choses » lui concédera beaucoup d’excuses, tandis que lui, pour mieux capturer une nouvelle proie et s’assurer qu’elle ne sera pas mise en garde, discréditera à tour de bras sa pauvre victime.
Pour les personnes qui se demanderaient comment distinguer l’ex violent de l’ex victime, bien sûr il n’existe aucun critère absolu mais voici deux indices qui peuvent aider :
– le genre de la personne, car les violences conjugales vont très largement dans le sens : un homme violent envers une femme.
– et son discours sur cette relation. D’un côté, « mon ex m’a trahi, beaucoup déçu, n’était pas à la hauteur de mes attentes » avec l’accent mis sur la personne elle-même. De l’autre côté, « mon ex m’a malmenée, sans doute n’est-ce pas entièrement de sa faute, je n’ai pas su faire face » avec l’accent mis sur des comportements de la personne.
Voilà pourquoi je tiens tout particulièrement à remercier le crémier pour ce billet, car je pense en effet que les personnes qui risquent de vous traiter comme de la merde sont assez reconnaissables à leur façon de parler de leurs ex.
Je ne réponds pas forcément à la question mais il me vient une réflexion en lisant cela : il y a effectivement un bon paquet de relations qui sont abusives, et je ne suis pas bien placé pour en parler car cela m’est totalement étranger. Ma réflexion, c’est qu’il y aurait peut-être beaucoup moins de relations abusives si ‘le couple’ était investi de moins d’enjeux : si le fait d’être ou non ‘en couple’ ne constituait pas une forme de statut social ; si les nanas avaient leur indépendance financière garantie tout au long de leur vie / si la sécurité matérielle et affective des gamins ne reposait pas sur quelque chose d’aussi fragile qu’un couple ; si on arrêtait de véhiculer le mythe du prince charmant / de l’âme soeur et son corollaire immédiat ‘je suis une ratée, je me suis trompée d’âme soeur, mais pour ne pas tout rater, je vais m’accrocher’. Utopie, certes, mais il faut bien commencer quelque part. Par exemple en démythifiant et en désidéalisant le couple.
Complètement d’accord !
Parfaitement d’accord aussi! Ces schémas sociaux sont autant de ferments de l’échec assuré car ils reposent quasi exclusivement sur l’enfermement de soi et aux autres…