Changer de trottoir la nuit

Dans deux billets récents, Maïa Mazaurette a déclenché une tempête de commentaires sur la question de savoir s’il faut que les mecs qui marchent la nuit derrière une nana changent de trottoir (ou bien passent un coup de fil pour avoir l’air sympa). Parce que les filles flippent dans les rues la nuit et qu’il serait bienséant de leur éviter des frayeurs inutiles.

Woman alone at night in a dark cobblestone street - digital pen and ink drawing

Changer de trottoir la nuit ? (ref.photo by A Hard Rain sur deviantart.com)

Tout le monde y est allé de son avis enflammé, certains faisant très justement remarquer que ce n’est pas parce que les femmes ont peur qu’il faut limiter la liberté des hommes bien intentionnés. Et que l’injonction de Maïa était tout bonnement sexiste. Le commentaire que j’ai trouvé le plus juste disait en substance : ce n’est pas parce que certains ont peur des arabes la nuit qu’il faut demander aux arabes de changer de trottoir.

Je pense que les uns et les autres ont loupé le coeur de la discussion, encore une fois en oubliant de regarder le problème symétrique : quid des hommes qui flippent dans la rue la nuit ?

Je ne suis pas rassuré dans la rue la nuit. Et les statistiques me disent que je n’ai pas forcément tort d’avoir peur, même si je suis un mec. Et je crois que je ne suis vraiment pas le seul. Donc il ne s’agit plus de vouloir ménager uniquement les sentiments des dames, mais de tout le monde. Et on sort du débat sexiste.

Les noirs et les blancs

Transposons aux rapports entre les noirs et les blancs. En effet je suis persuadé que nous sommes majoritairement de meilleurs détecteurs de racisme que de sexisme : nous percevons mieux les inégalités noirs/blancs que les asymétries hommes/femmes.

Donc nous sommes à Manhattan la nuit. Les blancs savent que la majorité des agresseurs sont des noirs. Il ont donc un peu raison de se méfier des noirs. Pour autant, il semble évidemment inacceptable de demander aux noirs de bien vouloir changer de trottoir s’il te plaît pour ménager les angoisses des blancs.

Mais : les noirs savent que la plupart des victimes sont des noirs. Donc ils ont un peu raison de se méfier tout court (y compris de certains blancs particulièrement racistes). Celui qui marche devant ne peut pas savoir si la personne qui marche derrière est un blanc ou un noir. Celui qui marche derrière devrait se douter que la personne de devant n’est pas rassurée.

Donc qu’il soit blanc ou noir, celui qui marche derrière serait sympa de changer de trottoir. Et on n’a plus affaire à une injonction raciste, mais à du savoir-vivre urbain de bon aloi.

Les hommes et les femmes

Revenons aux hommes et aux femmes : celui ou celle qui marche devant ne peut pas savoir si la personne qui marche derrière est un homme ou une femme. La personne qui marche derrière devrait se douter que la personne de devant n’est pas rassurée, qu’il s’agisse d’une femme ou d’un homme. Donc celui ou celle qui marche derrière serait sympa de changer de trottoir par égard pour celui ou celle qui marche devant. Et on n’a plus affaire à une injonction sexiste mais à du savoir-vivre urbain de bon aloi. Jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de criminalité la nuit.

Donc Maïa, si tu marches derrière moi (ou derrière ma cousine) la nuit, pense à changer de trottoir.

8 réponses à “Changer de trottoir la nuit

  1. Et moi je marche où ? si maïa est sur un trottoir et Audren sur l’autre? Sans compter qu’il y a des rues où il y a qu’un seul trottoir,
    voir pas de trottoir du tout!

      • Le mieux, ça serait qu’il y ait des contrôleurs aériens pour réguler le trafic piéton la nuit : assurer les distances de sécurité, attribuer les trottoirs, délivrer les autorisations de dépassement et prévenir ceux et celles qui flippent que oui ils vont se faire dépasser, mais que non la personne qui demande à dépasser n’a pas émis de requête d’agression donc ça devrait bien se passer.
        Blague à part, je crois que Maïa disait que la nuit il y a généralement assez de place pour ne pas coller les gens. Et je suis assez d’accord avec elle à part peut-être la rue des trois banquets ou la rue vélane, pour ceux qui connaissent.

    • Désolé pour le retard – j’ai dû repêcher le commentaire dans la file de spam (eh oui, les blogueurs sexe sont souvent considérés comme des indésirables – enfin, c’est une preuve de votre notoriété 😉
      Merci du compliment.
      Vu des puristes, c’est un talent totalement usurpé mais j’assume. Je ne prétends pas au titre d’artiste. Ça fait des beaux dessins, c’est le principal.

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