Couple, monogamie, fidélité : de l’importance du sexe

Notre culture est totalement schizophrène quant au sexe dans le couple. Elle minimise l’importance du sexe dans l’entente d’un couple tout en hurlant à la mort au moindre sexe extra-conjugal.

couple embrace - digital pencil drawing

l’exclusivité induit une grande responsabilité vis-à-vis du sexe (ref. photo (c) animel sur deviantart.com)

Dans un couple, le sexe ne devrait pas être important

Dans un couple, le sexe ne devrait pas être important. En tout cas, on fait semblant de le croire, et dans notre idéal des contes de fées, on évite de se demander si le prince charmant et la princesse sont compatibles sexuellement : si leurs niveaux de libido sont conciliables ou incommensurables ; si leurs fantasmes se parlent ou se terrorisent ; si leurs accouplements sont exaltants ou fastidieux. Car c’est bien connu, ce sont des élans plus nobles qui soudent la fidélité au long cours : l’amour, l’attention, la tendresse, le respect, le patrimoine, la descendance… Et donc il serait bien honteux d’admettre que si le Prince s’endort après avoir joui ou si la Princesse montre le même enthousiasme pour la fellation que pour descendre les poubelles, on ne miserait pas trois kopecks sur la fin de l’histoire « ils vécurent heureux pendant bien longtemps ».

Dans les petites annonces du coeur et dans beaucoup de sites de rencontres, le sexe est savamment euphémisé s’il n’est pas carrément éludé. « Je cherche un homme attentionné » / « je cherche une femme gentille », et surtout : « pour du sérieux » — sous-entendu « celui ou celle qui met la bagatelle sur le tapis n’est pas sérieux-se ». Celui qui écrirait « je cherche une épouse qui aime bien se faire réveiller le matin avec ma langue entre ses cuisses » serait immédiatement éconduit comme le gros porc qu’il est (alors que ça vaut bien les croissants au lit, non ?). Celle qui écrirait : « j’aimerais que mon futur mari soit bien membré et endurant, et qu’il sache se remettre en selle pour mon plaisir après le sien » passerait sinon pour une salope, du moins pour une qui croit que le monde lui est dû… pourquoi pas en plus « honnête, intelligent, beau, attentionné, sportif, drôle et tendre », tant qu’elle y est ?

Quand un couple consulte pour des problèmes qu’il n’arrive pas à surmonter, souvent le problème central pour l’un des deux partenaires est la question du sexe ; l’autre évoque quant à lui/elle toutes les autres imperfections dans la relation. Il n’est pas rare que le thérapeute concentre d’abord le travail sur les griefs de cette personne et focalise ainsi la discussion sur tous les problèmes ‘non sexuels’ du couple, en suggérant plus ou moins subtilement au partenaire de se la mettre derrière l’oreille jusqu’à ce que tout le reste soit réglé (alors que justement, si je peux me permettre, le reste ne posait pas de problèmes quand on baisait trois fois par semaine…)

Et pourtant, le sexe est parfois super-important

Et pourtant, le sexe revêt parfois une importance considérable : quand l’un des deux a une aventure, même juste une fois, même juste un soir, la plupart des couples se sentent ébranlés jusque dans leurs fondations. Le sexe qu’on traitait comme la cinquième roue du carrosse devient ce point de discorde majeur qui va cristalliser toutes les insécurités, toutes les rancunes, tous les non-dits.

Mais quand on consulte, le thérapeute va encore nous aider à chercher partout la raison de l’écart de conduite — partout sauf sous la lumière éblouissante de la question du sexe. Mais alors, il faudrait savoir : soit le sexe n’est pas important et donc l’aventure est sans conséquence. Soit il est important et le couple ne devrait parler que de ça.

De l’engagement monogame

Prendre ou exiger un engagement monogame représente une responsabilité énorme du couple vis-à-vis de la satisfaction sexuelle des deux partenaires. A l’époque d’ailleurs, ceci était réglé par la notion de devoir conjugal — qui dans bien des cas était un droit de viol conjugal.

Maintenant, dès lors qu’on reconnaît le caractère sexué des deux partenaires et qu’on n’imagine pas qu’il suffit de faire semblant que le sexe n’est pas important pour que l’un et l’autre se contentent d’une vie de moine et de bonne soeur respectivement ; et dès lors qu’on oblige l’un et l’autre à trouver toute leur satisfaction sexuelle à l’intérieur du couple ; alors on retrouve une forme de devoir conjugal : le devoir de tout mettre en oeuvre pour veiller à ce que les besoins, les envies, les fantasmes des partenaires soient satisfaits.

Ceux qui disent « je ne supporterais pas que tu couches avec quelqu’un d’autre, je veux que tu me promettes fidélité absolue » réalisent pourtant rarement à quel point cette exigence les engage, pour que la promesse de l’autre soit tenable et que le couple survive.

Quand les libidos s’accordent suffisamment pour que « faire un effort » ne soit pas synonyme de « consentir au viol », quand les deux sont motivés pour sortir de leur zone de confort et explorer les fantasmes de l’autre, quand les deux sont assez curieux pour introduire de la nouveauté dans leur répertoire sexuel, alors effectivement, l’engagement monogame est possible et prend vraiment un sens.

Mais si l’un des deux a une libido atone ou n’a plus le désir de l’autre ; si l’un des deux a un fantasme qui rebute l’autre ; si l’un des deux n’est physiquement pas en mesure de répondre aux besoins de l’autre, alors rien ne va plus. L’engagement monogame devient un voeu de chasteté. Et personne ne se met en couple en imaginant faire voeu de chasteté.

Pourquoi pas la monogamie à 90% ?

Un couple où les besoins sexuels de l’un ou l’autre ne sont pas raisonnablement satisfaits est un moteur sans huile : le moindre défaut cause des frictions et des échauffements qui peuvent irrémédiablement endommager la mécanique (alors qu’au début de la relation, quand il y avait davantage de sexe, ça tournait comme il faut, malgré tout un tas d’imperfections). Alors mettons de l’huile plutôt que de ne travailler que sur les imperfections. Et si malgré tous nos efforts on n’arrive pas à refaire de l’huile au sein du couple, il n’est pas honteux d’aller emprunter de l’huile à l’extérieur : il s’agit quand même de la survie d’un couple.

Malheureusement, nous avons hérité d’une culture schizophrène qui minimise l’importance du sexe dans la survie d’un couple tout en hurlant à la mort au moindre acte sexuel extra-conjugal. Et cette culture préfère encore qu’on se sépare quand l’un ou l’autre est allé voir ailleurs plutôt que de toucher à la sacro-sainte promesse de fidélité absolue.

Moi, je préfère largement que ma femme me soit fidèle à 90% plutôt qu’elle me quitte à 100%.

140 réponses à “Couple, monogamie, fidélité : de l’importance du sexe

  1. Petit nouveau chez vous, bonjour et bravo immédiat à l’auteur pour le blog et les dessins aussi, et aux intervenants divers et sympathiques. J’arrive et n’ai évidemment pas tout lu, mais je suis dingue d’elle, ma nana, et je suis en manque de sexe, GRRR. À tel point que je suis déjà allé plusieurs fois chercher à calmer cela sur des sites de rencontre, mais toutes les nanas avec qui j’ai pu causer jusqu’à présent, se cherchaient malheureusement des princes charmants pour grand amour exclusif, entièrement libre et disponible pour elles.
    Donc les sites de rencontre entre infidèles m’intéressent aussi, mais tant qu’à rendre des comptes ou le révéler à la crémière, est-ce qu’il ne serait pas intelligent/censé/loisible non plus que la deuxième crémière, ou les autres, rendent le même genre de « comptes » à son/leur crémier(s) respectif(s) ?
    Oui, bon, je vois, ça ressemblerait peut être un peu trop aux « communautés » soixante-huit’ardes des beatneaks chevelus, mais n’avaient ils pas raison en un certain sens ?

    • C’est tout l’intérêt du couple libre et du polyamour… Parmi les sites de rencontres, c’est OKcupid qui est le plus avancé dans l’acceptation de façon différentes de vivre le couple. On peut maintenant s’y décrire comme « en couple libre » et comme « strictement/partiellement »-« monogame/non-monogame » — histoire d’encourager chacun-e à se positionner.

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  4. Plus de 127 commentaires, je ne peux pas faire comme d’habitude et tout lire avant de poster, j’ai quand même envie de profiter de ma soirée :-p

    Juste pour étayer : pour moi, le sexe a toujours été le carburant et le baromètre de mon couple (ça n’engage que moi). Non qu’une baisse de désir, lorsqu’elle est temporaire signe la fin de ma relation, mais clairement, elle démontre, même ponctuelle, qu’il existe un souci (fatigue, stress au boulot ou que sais-je).

    J’ai la chance, après 6 ans de relation de couple, de retrouver notre énergie sexuelle, et même, de profiter encore mieux de notre intimité, bien que cette dernière ait toujours été au beau fixe… et dans ma précédente relation, même après 15 ans, l’envie était toujours là… c’est aussi je pense une question d’affinité avec la chose, peut-être. La baisse de désir sur le long terme n’est pas forcément inéluctable 😉

  5. C’est une différence de libido qui a conduit mon couple, il y a peu, à ne plus être exclusif. Votre blog a d’ailleurs beaucoup servi dans la discussion. On verra bien comment se passera l’évolution mais en tous cas, depuis que nous avons « ouvert la cage », ça va déjà mieux!!
    Au plaisir donc, de continuer à vous lire et merci!

    • Merci, et bon courage.
      Si ça vous tente de raconter votre histoire (de façon anonyme), il y a un jeune blog qui se lance (je vais bientôt en faire la réclame) pour collecter les témoignages de personnes qui ont franchi le pas de remettre en cause l’exclusivité. Si comme pour beaucoup de personnes, votre histoire vous brûle les lèvres et vous ne trouvez pas d’oreille attentive dans vos cercles habituels, ça peut vous intéresser.

      Le site, c’est http://histoiresdamoursplurielles.wordpress.com

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  8. Ce qui fait quand même rigoler c’est que les personnes sont plutôt fidèles, avec un prêt hypothécaire de vingt ans (et quelle « usure » dans ce couple!), avec leur chien ou chat, et surtout avec l’employeur (lui au moins, il paye chaque mois). Or on nous explique ici que c’est l’exclusivité sexuelle (car c’est bien de celà que nous parlons) qui nous empêche de vivre de façon épanouie. Et bien essayez toujours d’expliquer à votre employeur que vous désirez travailler pour deux entreprises concurrentes simultanément. Celà ne vous passerait pas par l’esprit.

    Ceci dit, le problème concerne la simultanéité, ou comme corollaire, l’exclusivité. Les relations son exclusives par définitions ne vous en déplaise. Il n’y a rien d’éthique dans ce commentaire, mais l’ubiquité physique, mentale, affective n’est simplement pas une faculté humaine.
    Avoir une relation après l’autre ou plusieurs relations soi-disant simultanées ne change rien à l’affaire: elles ne sont jamais simultanées, même si tous les protagonistes sont dans le même lit! Au mieux elles sont parallèles, mais curieusement des parallèles divergentes (à vous de jouer avec la géométrie). Ce qui manque c’est le choix, en d’autres termes la liberté.

    En tant que musicien je voudrais vous soumettre un question: vous préférer jouer un instrument pendant quanrante ans, ou en jouer quarante différents?
    Il n’y a pas de réponse juste. C’est un choix, et pourtant, si changer ou multiplier les partenaires devient plus simple que de changer de travail, un doute m’étraint. La liberté dans les relations sexuelles devient une question culminante, le dernier bastion, lorsque toutes les autres libertés ont été sacrifiées. C’est le seul lieu qui reste non normé, contrairement à ce que vous dites. C’est comme allez faire du footing pour trente minutes en se disant « je me fais du bien » alors que le reste de notre journée est un enfer de compromis.

    Cordialement

    • Pas d’accord avec tous ces exemples d’exclusivités : prêts maison+voitures, 2 emplois à mi-temps (pourquoi concurrents ?), animaux ou enfants cumulés lorsque famille recomposée… Les exemples sont légions de nos multiples engagements, parallèles ou simultanés, nécessitant cette « ubiquité » qui vous semble impossible.

      Le simple fait que vous ayez dû spécifier « deux entreprises concurrentes simultanément » montre bien que le secret est dans la non-concurrence. Mieux : dans la complémentarité et la différence. En effet, s’il s’agissait de vivre deux fois la même chose, où serait le progrès ?

      Comparez donc ces exemples : certains ont perdu un peu de flamme avec leur conjoint et cherchent de la passion avec d’autres tout en gardant la confiance et la tendresse du couple de base, d’autres ont un besoin fondamental d’accumuler diverses façons d’aimer ne se contentant pas d’une seule, d’autres encore n’arrivent pas à choisir entre deux amours qui leur sont devenus tout aussi indispensables, etc…

      Vous remarquerez que dans aucun de ces cas, il n’y a de recherche d’amours identiques aux mêmes conditions. Parce que c’est justement cette diversité dont ils ont besoin.

      Et puis il y a aussi ceux qui sont incapables d’ubiquité, qui ne connaîtront qu’une seule personnalité amoureuse dans toute leur vie, n’auront jamais été attirés par d’autres amours que celui qu’ils ont à la maison… et qui n’auront qu’un seul emprunt, un seul emploi, un seul enfant, un seul animal… pour se concentrer à fond, exclusivement, sur chacun d’eux. Grand bien leur fasse ! 🙂

      • Mais non « Léolu », ce n’est pas de ça dont il s’agit. Pour la chronique j’ai trois enfants de deux femmes différentes, les familles élargies je connais, j’ai changé dix-huit domiciles, 5 pays, et mon travail est autonome et requiert de permanentes métamorphoses .La qualité n’est ni dans le changement, ni dans la staticité, plutôt dans la signification.
        Maintenant dites-moi comment vous pourriez vivre simultanément dans plusieurs pays, assister à deux accouchements et ainsi de suite, et surtout suivre vos enfants dans ces conditions?

        Ou bien…nous parlons d’autre chose: mes besoins, mes besoins, mes besoins. Si je comprend bien, c’est une pour la passion, l’autre pour la tendresse (comme si c’était différent!), la troisième pour la stabilité, mais vous oubliez la riche héritière, toujours utile. Clair exemple de complémentarité. En gros, je pioche ou j’ai besoin.

        Mais là où vraiment le bât blesse c’est votre commentaire « … qui leur sont devenus tout aussi indispensables ». Indispensables? Quoi? Quel oxymore! Evidemment, si l’on pense que quelqu’un est là pour satisfaire un de nos besoins, c’est mal parti.

        Ceci dit, je ne critique pas pour autant les personnes qui trouvent leur équilibre de cette façon. Très bien, tant qu’elles ne font voter une loi qui nous y oblige.

  9. Pingback: 8 gros mensonges sur l’amour (et le rétablissement de la choquante vérité) – partie 2 | Laura Ingalls 2.0·

  10. On peut aussi avoir une sexualité tres satisfaisante avec son ou sa compagne et avoir envie d explorer d autres désirs ….

    • Quand l’envie reste « sage », on peut la refréner sans peine, s’accommoder de l’exclusivité et effectivement trouver la sexualité conjugale satisfaisante. Si en revanche l’envie devient impérieuse et qu’on est coincé-e par l’exclusivité, et bien on devient globalement insatisfait-e, et donc on ne peut plus stricto sensu parler de sexualité satisfaisante.

      • L autre a ses propres limites qu il doit peu à peu soi élargir soi conserver Ç est son choix les miennes ne correspondent pas forcément …alors je ne m en satisfait pas je suis d accord mais je n ai pas envi de réduire l enviê de rencontrer d autres personnes à la sexualité pas toujours on rencontre d autres entiers et passionnants ….en fait je refuse les limites les seules seraient d éviter au maximum de faire souffrir mon compagnon Nous avançons parrallement mais aussi ensemble peu à peu …apres 25 ans ensemble deux séparations et toujours autant de bonheur à partager …..un peu en panne de nouveau projet a moyen terme …rire ….

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